Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 novembre 2022 6 26 /11 /novembre /2022 10:23

ecrire-c-est-dessiner-une-porte  1313758-gf.jpg

 

 

 

Dès la première page, le graphisme parle à la graphologue que je suis. Une phrase manuscrite, belle d’ailleurs, dessine, dès l’abord, le livre et son auteur. Ainsi le trait encré exprime-t-il le plaisir de vivre, la joie simple d’exister, puis le gonflement des hampes et des jambages équilibre harmonieusement la sensualité naturelle de l’homme en osmose avec la nature et les êtres et son souci permanent de rester l’intime des hauteurs. Il y a par ailleurs l’inclinaison à droite qui dévoile l’élan vers l’autre, le frère, l’ami, le proche ou le lointain. Cette écriture exprime la stabilité et la modestie ; toute tendue vers son devenir, elle sourit au monde.

 

«J'essaie de vous dire une chose si petite que je crains de la blesser en la disant. Il y a des papillons dont on ne peut effleurer les ailes sans qu'elles cassent comme du verre».

 

A peine avez-vous franchi  le seuil de l’ouvrage que vous reconnaissez le style particulier de Bobin dont  « Le Très Bas » en 1992 avait été pour moi un véritable choc. Je n’étais pas la seule à l’époque à être frappée par le ton, l’alliance des mots, la réflexion profonde. Ce naturel dans l’énoncé du texte fut beaucoup copié, si bien qu’il y eût dans les années qui suivirent sa publication nombre de Bobin en herbe. « La lumière du monde », « Les ruines du ciel », " La plus que vive", « La présence pure », autant de titres qui creusèrent un sillon unique d’une sincérité totale, d’une sensibilité mystique et d’un dépouillement absolu dans les "Lettres françaises". Christian Bobin s'y révélait un jardinier inspiré qui se contentait de remplacer les plantes et les fleurs par des mots. Et ces mots exhalent toujours  un parfum entêtant, reconnaissable entre tous.

 

Néanmoins, je l'avoue, j’ai été moins enthousiasmée par « L’homme-joie » malgré les promesses du titre. Est-ce parce que le merveilleux jardinier ne s’y renouvelle pas vraiment, qu’il bêche un carré de terre dont il avait déjà extrait le suc ? En effet, on peut regretter que le poète ne nous mène pas ailleurs, que l’auteur ne nous restitue que l’écho des précédents ouvrages, qu'il n'ouvre pas d'autres perspectives, d'autres voies. Certes, la lecture reste un plaisir, un délicat enivrement, la musique est bien présente, celle émise par l'ami proche, le confident qui nous convie dans son intimité, nous laisse entrer dans son domaine le plus secret parmi ses objets familiers qui, ainsi, deviennent les nôtres, mais est-ce suffisant ? Reste la tendresse, le velouté des phrases où rien ne heurte. Il n’y a pas d’arêtes vives, pas de discours solennel, pas de sermon, moins encore de remontrances ou de profession de foi chez Christian Bobin. Nous sommes dans le domaine de la confidence, propos chuchotés qui ne sanctionnent pas, ne certifient rien, se contentent humblement de décrire l’aube et le crépuscule, le remuement délicat des choses.

 

« Je regarde le bleu du ciel. Il n’y a pas de porte. Ou bien elle est ouverte depuis toujours ». La sienne l’est également. Son seuil est accueillant, bienfaisant  comme le murmure de l’eau. Adieu Christian Bobin.

 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

Pour consulter la liste des articles de la rubrique LITTERATURE, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

Liste des articles de la rubrique LITTERATURE

 


RETOUR A LA PAGE D'ACCUEIL

 

 

220px-Christian_Bobin-Nancy_2011_-1-.jpg

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

L
Voila un auteur qui remettait les valeurs a leur place. Comme il va nous manquer !
Répondre
A
Oui, il va nous manquer. C'était un écrivain de l'amour et du partage, de la tendresse et de la foi.
I
Armelle, consolez -vous, et que le monde se console aussi, on ne l'a pas perdu. Juste perdu de vue, mais pour un temps seulement. Ses écrits et sa voix restent ici-bas , comme des émanations de son cœur.<br /> Il n'est pas mort. Il est ailleurs. Tout simplement. Et il vibre toujours comme un stradivarius face à la Beauté....<br /> Georges Prêtre dirige l'orchestre des anges, Maria chante à ses côtés, et tous les compositeurs aimés de lui sont là......Mon frère,Reynald, peint ses somptueux tableaux face à la mer, avant de rejoindre Jésus sur son bateau... Nietzsche crée d'autres aphorismes en les scandant selon son habitude.... Christian Bobin respire l'éternité en écrivant sur son cahier d'écolier... La vie continue, et les génies ne meurent jamais. Les autres non plus d'ailleurs.<br /> Je ne m'inquiète pas du destin de ceux qui ont quitté la terre, ils l'ont marquée de leur sceau, et partent vers des cieux plus cléments.<br /> Ils se sont, même dans l’enthousiasme le plus grand, brûlé à la vie sur terre. Consumés dans l'amour, la passion, les épreuves. Puis, dans un feu d'artifice invisible à nos yeux, ils s'en vont en riant.<br /> Oui, Christophe André a raison. Un poète est parti, un ange est resté. Des ondes, comme disait mon père, bienfaisantes.<br /> Ne soyons pas égoïstes, ils nous ont tout donné, et ce sont maintenant les habitants du ciel qui se réjouissent de leur présence lumineuse.<br /> Voilà ce que je pense, ce que je crois, ce que je vous dis, et dis au monde.<br /> Isabelle
Répondre
I
Je rajoute quelques mots sur Christian Bobin car je crains de n'avoir pas été à la hauteur d'une tel écrivain et d'un tel homme dans mes lignes envoyées sur lui.<br /> Quand j'ai dit, par exemple, qu'il était de la race d'un Delerme, je signifiai par là que l'un et l'autre avaient le don de savourer le quotidien. Et de l'illuminer, et d'être des pourvoyeurs et des éclaireurs de joies à notre portée.<br /> La comparaison s'arrête là. Philippe est un talentueux littéraire, un premier en dissertation, et jongle avec les mots magnifiquement, il a été à bonne école, puisque ses deux parents, que j'ai connus et aimés ,étaient tous deux enseignants dans mon école communale.<br /> Christian , lui, est un être à part, un écrivain dont la plume est lumière, un poète enchanteur et enchanté, un médium, un penseur profond, un philosophe , et un chrétien de génie... Il est donc un regard, un passeur, un consolateur...et davantage encore.<br /> Et je comprends son grand ami, le psychiatre Christophe André, ayant proclamé le jour de son départ pour le ciel" le poète est parti, mais l'ange est là"<br /> Il fut aussi un grand témoin du Fils de Dieu et je lui en rends grâces.<br /> Il faut écouter sa belle voix, lors des entretiens qu'il a donnés un peu partout,car alors on y voit son âme.<br /> Et elle est indiciblement belle. Tout passe dans sa voix, comme dans ses écrits: la paix, la chaleur humaine, la bonté et son amour du merveilleux à la portée de tous les hommes.<br /> Il a ouvert à la fois les portes du monde visible sur le monde invisible et nous aura montré la beauté et de la terre et du ciel<br /> Je regrette qu'il n'ait pas été prêtre, car il aurait été un prêtre sublime.<br /> Il cherchait le surgissement d'un Présence partout, ce sont ses mots, Il voulait suivre le chemin des <br /> étourneaux et es voies aériennes sur cette terre même.<br /> Je crois qu'il était ici-bas en mission divine, voilà pourquoi Dieu lui a donné le don de la parole et celui de l'écriture.<br /> J'ai cueilli dans ses livres, et dans ses paroles, des phrases, des pensées, d'une profondeur ineffable, et d'une intelligence ne pouvant alors n'être éclairées que par le haut.<br /> <br /> Il n'a jamais cru à la mort. Il a suivi le chemin des étourneaux. Il est arrivé au lieu où il voulait aller.<br /> Je le salue aujourd'hui, et même si je n'ai pas lu tous ses livres , je sais que je les lirai , je sais que j'écouterai aussi tous ses entretiens, car sa voix nous porte ailleurs, et ouvre les portes de la terre sur le ciel où il est aujourd'hui.<br /> Isabelle Prêtre
Répondre
A
Oui, nous avons perdu un éclaireur qui savait nous rendre la vision avec foi et poésie. C'est si rare.
I
Oui, Christian Bobin était un sourire, et un baume ,et vous avez raison , Armelle, de le saluer lors de son départ pour le ciel.<br /> Il fait partie des écrivains de la race d'un Delerme, c'est à dire des chantres de la vie , et il avait en plus le don poétique qui a du vous enchanter.<br /> Le don de savourer les petites choses de l'existence, il l'avait, et le lire repose vraiment l'esprit qui cherche trop et se torture. On cueille des fleurs chez lui, on respire les parfums du quotidien.<br /> Il y a de belles phrases et de belles pensées chez cet auteur, il a eu la chance de connaitre le succès dans un registre quand même particulier. Moi aussi je lui souhaite Bonne route et sais qu'au ciel il sera heureux!<br /> Isabelle Prêtre.
Répondre
A
Oui, ses ouvrages étaient comme un baume. Voilà le mot exact.
T
Merci de nous montrer cette belle phrase manuscrite, Armelle. A garder près de la première phrase du Très-Bas : "L'enfant partit avec l'ange et le chien suivit derrière" (du Livre de Tobie).
Répondre
A
C'était un écrivain à part, d'une sensibilité profonde et qui parlait, comme plus personne ne sait le faire aujourd'hui, à l'âme du monde et au coeur de l'homme.
E
Je ne le connaissais pas du tout aux USA, et le découvre peu à peu depuis mon retour. En général je suis "portée" par sa pensée...
Répondre
A
Il est un bon contre-poison contre la violence et l'agressivité actuelles.
A
Je crois Alain, que ce livre vous plairait beaucoup. L'univers poétique est celui que vous aimez et c'est si bien écrit. Je croise les doigts pour l'opération. Donnez vite de vos nouvelle après.<br /> Enfin, dès que possible. Tristes fêtes si vous êtes dans cette attente... Je penserai beaucoup à vous.
Répondre
A
Votre analyse graphologique est étonnante chère Armelle. J'ai toujours eu un doute quant à cette "science". Pour des raisons professionnelles essentiellement, à l'époque où la direction m'obligeait<br /> à soumettre certaines lettres de motivation à des graphologues. Leurs conclusions étaient souvent à l'opposé de ce que je ressentais avec la personne lors de l'entretien d'embauche. Bref. Moi qui<br /> suis privé de lectures en ce moment, (en attente d'opération), votre article me donne envie de découvrir cet écrivain. Je retiens cette belle phrase et cette contemplation ou récompense, dont je ne<br /> me prive pas dans mon présent. "Je regarde le bleu du ciel. Il n'y a pas de porte. Ou bien elle est ouverte depuis toujours." Bon week-end Armelle. À bientôt.
Répondre

Présentation

  • : Le blog interligne d' Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • : Grâce au pouvoir des mots, une invitation à voyager sur les lignes et interlignes.
  • Contact

TEXTE LIBRE

 4016234704 (Small)

Un blog qui privilégie l'évasion par les mots, d'abord, par l'imaginaire...toujours.

LES MOTS, nous les aimons pour eux-mêmes, leur sonorité, leur beauté, leur velouté, leur fraîcheur, leur hardiesse, leur insolence, leur curiosité, leur dureté, leur volupté, leur rigueur.
Différemment des notes et des couleurs qui touchent d'abord notre sensibilité, ils ont vocation à transmettre, informer, émouvoir, expliquer, séduire, irriter, formuler les idées, forger les concepts, instaurer le dialogue.
Ainsi nous conduisent-ils vers l'autre, l'absent, l'étranger, l'inconnu, l'exilé.

Parce qu'ils disent qui il est, comment est le monde, pourquoi est la vie, qu'ils gomment les distances, comblent les vides, dévoilent les énigmes, suggèrent le mystère, ils sont nos courroies de transmission, nos outils journaliers.

 

La vie doit être vécue en regardant vers l'avenir, mais elle ne peut être comprise qu'en se tournant vers le passé.

 Soëren Kierkegaard

 

Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que je sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche.

   Montaigne

 

Veux-tu vivre heureux ? Voyage avec deux sacs, l'un pour donner, l'autre pours recevoir.
   Goethe

 

 MES DERNIERS OUVRAGES PUBLIES ( cliquer sur l'icône pour accéder à leur présentation )

 

1184097919 profil de la nuit  2851620614

les signes pourpres  3190-NEL i 978-3-8417-7335-7-full

 

SI VOUS PREFEREZ LES IMAGES et le 7e Art, RENDEZ-VOUS SUR MON BLOG : 

 

Bannière pour Armelle 1 

 

 

Recherche