Après « Les lilas de Bellême », je retrouve avec ce roman les parfums, les fleurs, les descriptions de nature que Céline Posson-Girouard sait, de sa plume délicate et en fine observatrice, nous évoquer et nous faire respirer. « Installées sur le banc de bois ancien, Estelle et sa fille écoutèrent le chant des pinsons ; leur cadence répétitive, mélodieuse les berçait ; au concert des oiseaux, un bouvreuil, perché sur la plus haute branche des seringats, lançait ses trilles en soliste. » On se croirait de retour dans le précédent ouvrage, mais il n’en est rien, en dehors de Bellême, lieu central où une part de la vie de l’auteure est restée suspendue, ce roman n’a rien à voir avec l’évocation du précédent, consacré au souvenir d’une mère très aimée.
Dans ce nouvel ouvrage, la mère vient de perdre son mari, le père de Lysia, et ne tarde pas à se remarier avec un homme qui n’a aucune des qualités du précédent : homme à femmes, jouisseur impénitent, il s’empresse de poursuivre l’adolescente de quinze ans de ses assiduités. Pour la fillette le monde chavire, sa mère ne la protège plus, ce beau-père la menace en permanence et Lysia entre ainsi dans un temps qui, non seulement la sépare de sa mère, mais perturbe en profondeur ses années de jeunesse et ses espérances.
Céline Posson-Girouard nous raconte la vie de cette jeune fille de façon pénétrante, on partage très vite l’angoisse qui s’installe dans son esprit, ses perspectives d’avenir brouillées par cette présence inquiétante. Heureusement la jeune fille poursuit ses études et surtout prend au sérieux ses dons naturels pour l’art et la création. Chez elle, les interrogations ne se contentent pas d’ouvrir des portes, elles se fondent en un réel désir de créativité, voire de transfiguration. Car le monde n’est pas seulement ce que l’on voit, il est surtout ce auquel on aspire et ce que l’on crée. Si mai 68, qu’elle vit pleinement, promet des lendemains qui chantent, il en condamne également un grand nombre. Il faut, par conséquent, envisager d’autres alliances, laisser mûrir ses dons et ses aspirations, revenir à ses origines, à ce Bellême qui assemble les riches heures de son passé et, par voie de conséquence, contribuera à sa renaissance. Celle-ci aura lieu, Lysia renouera avec l’essentiel et puisera dans les eaux captivantes de son imaginaire. Voilà un roman rédigé d’une plume délicate qui nous ouvre des voies touchantes sur les mystères de l’âme féminine et les musiques si complexes et diverses de l’amour. Une réussite.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
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