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28 mai 2016 6 28 /05 /mai /2016 08:39
Libre arbitre ou le moment du possible

Dans le déroulement d’une existence, l’exercice de la liberté ou du libre arbitre est un moment du possible où nous effectuons un acte qui ne dépend que de nous-même et de la seule force de notre volonté, en quelque sorte un moment où nous prenons notre propre mesure et agissons en fonction de notre détermination. Tant d’actes avortent par faiblesse de l’âme, nous faisant retomber dans le marécage des opinions en vogue, des entrainements naturels ou sociologiques,  le tourbillon des idées et des opinions dominantes. Si le temps permet tout, rien n’est définitivement assuré. En cet instant du possible où mon libre arbitre s’exerce pleinement, son efficacité ne peut résider que dans la réflexion. C’est en toute connaissance de cause que je me refuse à céder à l’humeur passagère ou à la pression de l’affectif et de l’émotionnel. "Dans l’existence, la raison ne se sépare pas de la liberté, elle est générosité" - assurait Descartes, tandis que Jacques de Bourbon-Busset la nommait « la raison ardente », l’ardeur étant l’élément de base indispensable dans tout acte de courage. Cette ardeur, qui nous transcende, s’oppose alors à la tentation de céder à la facilité, à l’abandon, au renoncement.

 

Le mythe d’Er – qui termine « La République » de Platon – a pour ambition d’exposer une vérité sur l’homme chez qui la raison ne semble pas en état d’opérer un ralliement. D'autant que ce que je veux n’est pas obligatoirement ce que … je peux. Il y a parfois une marge immense qui sépare le désir de ma volonté et la volonté de mon désir. Bien sûr, tout choix exige des renoncements et la personnalité de chacun est toujours plus complexe que les choix proposés. Par ailleurs, notre caractère fluctue avec le temps et les conditions environnantes. Il serait irréaliste de nier les données événementielles auxquelles nous avons à faire, et tout aussi irréaliste de nier la nature humaine. Cependant notre liberté autorise certains aménagements et il est évident que nous évoluons avec le temps et selon les circonstances qui s'offrent à nous. Mais la faiblesse ne sera jamais une excuse.

 

Ce n'est qu'en tant que personne, dans ma singularité propre, que je suis apte à faire des choix déterminants et à conduire ma vie en usant de mon libre arbitre et de mon discernement. Sur quoi repose la notion de libre arbitre ? Deux points de vue s’opposent qui traversent l’histoire de la philosophie et subissent bien des atermoiements et des variantes. Du point de vue de la personne, c’est-à-dire du point de vue de la conscience, nul ne peut décider à ma place ; même ne pas décider est une décision et la moindre action digne de ce nom m’engage. Ne serait-ce que pour une chose aussi simple que lever le bras, il faut que je le décide, tout au moins faut-il que je le pense et que je le réalise. Le libre arbitre engage assurément ma responsabilité. Cela fait-il du libre arbitre, et du contrôle qu’il exige, une donnée essentielle ? Est-il si évident que nous soyons en mesure d'exercer une censure sur nos pensées et nos émotions ? La plupart de nos actions ne sont-elles pas des réactions mécaniques qui répondent à des facteurs divers (émotions, préjugés, éventualités, hasards) que nous ne maîtrisons pas davantage ? Certes, je suis à l’origine de mes choix, mais ai-je choisi d’être ce que je suis ? Pour que nos actions soient vraiment les nôtres, il faudrait que nous puissions nous choisir nous-même et cela n'est pas possible ? Peut-on revendiquer un choix absolu de soi-même, me suis-je choisi moi-même ? Alors, comment me considérer comme libre ? A n’en pas douter, ce n’est que dans une perspective spirituelle que la liberté, ma liberté intérieure, apparaît la plus évidente car je suis libre d’être, libre de me définir en fonction de mes exigences intimes, libre de m’engager dans des actes conformes à mes convictions, libre de réfléchir, de juger, de penser, libre de croire. Et cette liberté-là, personne ne pourra m’en priver.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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commentaires

I
Ce soir me vient un sourire, car je pense à deux personnes intelligentes qui ont fait un tour de passe passe... Rousseau et Thérèse Martin, dite Thérèse de Lisieux.<br /> Tous deux expliquent la soumission, l'obéissance , par rapport à la liberté, et ce sont ,et la soumission et l'obéissance, qui ouvrent sur la liberté.<br /> Mieux encore:la liberté était première.<br /> C 'est ma volonté particulière, ma décision particulière, ma liberté, qui décident de se soumettre à la Volonté Générale, autrement dit la voix du plus grand nombre , déclame Rousseau dans le " Contrat social" pour faire un hymne à la démocratie.<br /> C'est ma volonté particulière , ma décision particulière, ma liberté, qui décident un jour de se soumettre au joug du Carmel et aux ordres du monastère, proclama Thérèse en se faisant par amour prisonnière d 'un couvent. Elle ajoutait même que si tel n'avait pas été le cas, elle serait partie sur le champ.<br /> Si on l'avait forcée à cette dépendance totale, elle n'aurait jamais supporté de rester.<br /> Ils n'ont tort ni l'un ni l'autre mais j'admire la manière dont ils sont arrivés à cette très juste réflexion.<br /> Isabelle Prêtre
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I
j'aime votre phrase" le moment du possible" oui, Armelle, tant de moments dans la vie d'après notre choix soudain ouvrira une porte ou une autre, quand on doit répondre sans tarder " oui" ou " non", et savoir que de cette réponse un avenir autre surgira.<br /> le moment du possible, comme vous l' appelez si joliment, est lourd de conséquences.<br /> Notre libre -arbitre alors doit être au top niveau! Et je crois, comme le voulait Bergson, que c'est la part de nous la plus profonde qui doit prendre les rennes et décider.<br /> Notre plus grand désir.<br /> Le libre- arbitre existe parfois mais pas toujours, nous le savons bien depuis Freud.Mais des philosophes tel Spinoza nous avaient déjà prévenu. Un ivrogne ,disait il par exemple, croit parler et décider librement quand il ne peut , au contraire, pas faire autrement...<br /> Libre arbitre que de décider de tous les choix importants de sa vie? Se marier et choisir un homme plutôt qu'un autre....quelle part décide en nous? L'inconscient, comme le croyait Freud ( deux inconscients sont attirés l'un par l'autre)? la raison? mais quelle poids peut elle bien avoir quand l'amour ou l'attirance irrésistible existent?. Oui c'est bien le moment du possible, mais je ne sais pas où s'en trouve la source.<br /> Libre arbitre que de placer la liberté suprême dans la volonté d'un incorruptible devoir comme le veut Kant avec son "impératif catégorique"? Peut être, car c'est alors la Raison qui se veut dominante et exclusive, mais néanmoins l'obsession du devoir a tous prix me semble quelque peu éloigné de la liberté car une liberté qui n'est pas intérieure et qui n'est pas le choix personnel d'une âme est bien mystérieuse et difficile à définir.<br /> Je n'irai pas jusqu'à citer un Schopenhauer, ce si grand artiste pessimiste de la Philosophie qui retire à l'homme toute liberté véritable pour annoncer au monde que seul l 'instinct universel et ancré en chacun agit et choisit pour la gloire et la continuation de l'espèce, et que ce que l'on prend pour choix personnel n'est que la ruse d'une nature qui veut poursuivre son existence. On croit aimer un être pour lui même? Pas du tout , répond le philosophe, c'est l'enfant à venir qui a voulu ce choix.<br /> Il est évident que je suis loin de le rejoindre.<br /> Nous avons bien en nous un certain libre-arbitre, mais selon moi il est limité.<br /> Et je vais m'appuyer pour proclamer cela sur un Homme qui dépasse tous les philosophes du monde et qui connait la vérité car Il est la Vérité. Il s'appelle Jésus et juste avant de mourir Il a dit en parlant de ceux qui le tuaient " Père, pardonne -leur, ils ne savent pas ce qu'ils font".<br /> Voilà chère Armelle ma mini méditation sur le thème que vous avez si bien abordé.<br /> Isabelle
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A
Hélas ! nous sommes à un moment où le grand nombre ne sait plus ce qu'il fait ...
G
Quand la conscience la plus intime de notre arbitre personnel s'accorde ce dangereux degré de liberté affective, voire émotionelle, d'un identitaire 'à la Goebbels', il me semble important de la tempérer par un sens humain de l'éthique et de la morale, aujourd'hui, pour éviter les horribles dérapages populistes de notre Histoire.
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L
J'aime beaucoup cette image :le moment du possible ou nous pouvons nous engager dans quelque chose de constructif ou nous derober. Il y a des moments ou nous engageons une grande part de notre avenir avec determination mais sans pouvoir evaluer pleinement les consequences, malgre une reflexion honnete. Car il y a les facteurs du temps et les evenements inattendus. Je pense a un mariage, a une creation d'entreprise. Tant de choses peuvent, par la suite, ruiner nos esperances et notre bonne volonte.
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A
Il y a une part de prédestination et de détermination en chacun de nous. Nous pouvons ou non la reconnaître et la légitimer. Oui, Dostoïevski a remarquablement illustré, dans ses romans, à la fois fatalité et libre arbitre, soit ce moment du possible ou tout peut se faire ou se défaire.
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E
Un sujet qui m'est cher aussi... on est en effet libre de décider (et il me semble que l'on doive se libérer suffisamment pour, justement, faire ses propres choix). Mais nous n'avons pas choisi le décor ni les éléments qui nous constituent, notre génétique, notre éducation, les influences etc. Aussi on est libres dans le carcan qui nous est propre, et comme dit Armelle cette liberté n'est complète que sur le plan spirituel. Mais nous avons le devoir de nous libérer autant que possible pour faire notre vie et libérer les autres du poids de nos inerties et indécisions, de nos remords; regrets, hésitations etc....
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S
Dostoïevski a admirablement dépeint cette notion du libre arbitre dans ses romans et les répercussions, enchaînements, ricochets qu'il implique dans une vie (que le libre arbitre soit actif ou passif). Nul autre que soi peut bâtir son existence, ou la détruire; la volonté personnelle devient une variable d'ajustement lorsque les conditions extérieures bouleversent le cours "normal" des choses. <br /> Je m'interroge sur la notion de destin, de "fatum". Sur une forme de prédestination inscrite non seulement dans nos gènes mais aussi dans notre psyché (mémoire des aïeux, transmission de problèmes non réglés, etc.) que l'on porte en soi et qui conditionne nos décisions et nos actes. L'impression d'être reliée et interdépendante de toute ma lignée est forte, quoi que je fasse de mon libre arbitre (qui existe mais qui est soumis à des invariables propres à l'histoire, aux cellules, au libre arbitre de mes ancêtres). Je me pose la question...
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