Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 juillet 2023 3 05 /07 /juillet /2023 08:24

 


photo fonds

 

En classant des papiers l'autre jour, j'ai retrouvé, au hasard d'une pile, un texte que j'avais commis à l'âge de 18 ans - j'étais alors élève à l'école du journalisme - à l'occasion d'un concours de bibliophilie qui me valut d'obtenir un second prix. Ma participation à ce concours n'avait d'autre raison que celle-ci : mon père, bibliophile, m'avait donné très tôt le goût des livres, si bien que j'avais eu la chance inouie de trouver à portée de main, dans la bibliothèque paternelle, les ouvrages les plus divers et les mieux à même de m'enrichir. La plupart étaient des éditions originales, superbement reliées, que j'avais l'obligation de lire...avec des gants. On ne dira jamais assez le soin dont les bibliophiles entourent leurs précieux ouvrages. De nos jours, cette noble passion me semble toujours d'actualité, c'est pourquoi je retranscris le texte d'hier, espérant qu'il suscitera des vocations chez quelques-uns de mes visiteurs. D'autre part, sa ré-actualisation sur mon blog me permet de rendre, par-delà la mort, un hommage à un père qui a si bien su éveiller ma curiosité à toutes les formes d'art et de culture.

 

 

                             CONCOURS DU BIBLIOPHILE EN HERBE


                        

Grâce aux livres, la pensée humaine a survécu à l'oubli du temps. Depuis que l'homme pense, il a cherché le moyen de fixer sa pensée afin qu'elle puisse se transmettre aux générations futures. Il a donc commencé par l'inscrire dans la pierre et laissé ainsi, au bord des routes, son message dans l'idée d'enrichir le capital humain du fruit de son expérience. Echelonné dans le temps, chaque siècle a bénéficié de nouveaux apports dans les domaines les plus divers et, dès que l'imprimerie a été inventée, les livres ont eu pour vocation d'être les dépositaires privilégiés de la pensée sous sa forme la plus intelligible. Ainsi s'est perpétué de génération en génération un incomparable héritage. Il est émouvant de recueillir les témoignages des temps révolus par le biais de ces oeuvres imprimées à l'époque même de leur création, d'où la nécessité de sauvegarder ce patrimoine dans les meilleures conditions possibles. Les Etats et les municipalités se sont employés à créer des bibliothèques à cet usage, mais le rôle du particulier n'en est pas moins primordial, car l'individu, mieux qu'aucun organisme social, est enclin à user d'attention et de dévouement pour réunir et préserver de tels documents. Ces deux formes de conservation, collective et individuelle, présentent une utilité majeure : l'accès aux sources de la culture devant être garanti à chacun.
Malgré les procédés mécaniques de reproduction dont nous disposons actuellement, la possession du manuscrit original ou de l'édition princeps est d'autant plus importante qu'elle est une preuve irréfutable d'authenticité. Tout ce qui se pare d'un caractère unique d'originalité, tant en textes qu'en images, acquiert pour l'avenir une valeur incomparable. Le bibliophile est l'homme attaché à la protection de ces valeurs. Son amour pour les témoignages du passé est encore renforcé lorsque la présentation s'enrichit de recherches artistiques : ainsi l'illustration qui complète les mérites du texte et la reliure qui donne élégance et beauté au livre, faisant de cet objet une véritable oeuvre d'art.

 

Il arrive néanmoins qu'une réédition soit supérieure au premier tirage pour les motifs suivants : l'illustration d'un artiste qui a embelli l'ouvrage ou bien  les corrections que l'auteur a souhaité apporter en prévision des tirages ultérieurs. Je citerai, pour exemple, la 2eme édition du Génie du Christianisme qui comporte des corrections de Monsieur de Chateaubriand et sa dédicace au Général Bonaparte ; celles-ci ne figurant plus ensuite dans aucune autre édition. Il s'est créé ainsi un classement des ouvrages anciens de librairie selon l'importance sentimentale qu'ils revêtent aux yeux de l'amateur et selon leur état de conservation. Par chance, la bibliophilie n'est pas une passion égoïste. Le bibliophile accapare rarement les livres pour son seul profit ; il les prend en charge et les garde dans le souci constant de n'être que momentanément le dépositaire d'un trésor. Il peut d'ailleurs, à l'occasion d'expositions, prêter et communiquer certains d'entre eux ou les léguer plus tard à une collectivité. Les facteurs déterminants de leur valeur sont d'une part la qualité du texte, d'autre part  la notoriété de l'auteur. Les classiques forment assurément le fond de toute bibliothèque qui se respecte. Mais, à partir de là, le choix des oeuvres est largement ouvert ; chacun ayant à coeur de se spécialiser dans une époque, un style, des sujets qui le touchent ou le concernent plus précisément, en vue de composer un ensemble cohérent. Après le texte, la présentation est l'élément qui, en général, détermine une acquisition. Elle consiste dans la qualité de la typographie et du papier. Il est intéressant de noter que l'époque romantique a souffert d'une insuffisance dans la fabrication du papier, aussi les ouvrages du XIXe sont-ils souvent marqués de rousseurs et de piqûres. C'est pour cette raison que ceux, parvenus jusqu'à nous dans un état satisfaisant de conservation, sont particulièrement prisés.


Depuis le Moyen-Age,  l'homme a pris goût à enjoliver ce qu'il y avait d'un peu trop abstrait dans la pensée écrite. Ainsi les manuscrits se sont-ils enluminés et enrichis d'admirables miniatures ; puis, avec la découverte de l'imprimerie, apparurent la gravure sur bois, puis sur cuivre et sur pierre, enfin la photographie. Il est évident que le travail accompli manuellement l'emportera toujours sur les procédés mécaniques. De grands artistes se sont consacrés à l'illustration des livres et en ont fait un art original et raffiné. De telles réussites ont marqué à jamais l'alliance d'un texte et d'une iconographie de haute qualité. Ces ouvrages rares sont appréciés des bibliophiles,  moins pour leur valeur numéraire que pour leur richesse artistique et intellectuelle.

 

L'habillage du livre, c'est-à-dire la reliure, couronne l'ensemble. C'est là aussi un art à part entière. Le relieur a le devoir d'harmoniser son travail avec la teneur du sujet auquel il se voue. Il est préférable que la reliure ait été réalisée peu de temps après la publication, l'ensemble représentant, dans ces divers domaines, le témoignage d'une époque. Cette collaboration dans le temps justifie les soins et l'amour que les bibliophiles portent aux livres anciens et, à travers eux, l'hommage silencieux qu'ils rendent à la pensée et aux travaux de leurs aînés dans ce qu'ils ont fait de meilleur et de plus remarquable. Les objets du passé ont toujours eu un attrait irrésistible pour ceux qui se plaisent à découvrir la mystérieuse poésie du souvenir.


La haute bibliophilie ne se conçoit pas uniquement comme une quête de livres anciens réputés, mais s'attache à exhumer des exemplaires rarissimes qui portent les traces de l'histoire. C'est ainsi que des livres, annotés de la main de grands écrivains et porteurs de dédicaces que les épreuves du temps ont rendu attachantes, revêtent une valeur de culte pour les bibliophiles. Nul doute que cette noble passion grandisse l'homme qui s'y consacre car, à l'effort de recherche et de culture qu'elle suppose, se joignent des qualités de coeur et de sentiment. Puissent naître de nouvelles générations de bibliophiles qui s'attacheront à veiller, dans les siècles à venir, sur le patrimoine de la pensée et souhaitons qu'une capitale, comme Paris, reste le centre mondial d'une telle activité !
 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

 

Autre article concernant l'amour des livres :       Le goût de lire

 

 

Et pour consulter la liste des articles de la rubrique CULTURE, cliquer  ICI

 

 

RETOUR A LA PAGE D'ACCUEIL

 

Bibliophilie ou la passion des livres
Bibliophilie ou la passion des livres
Partager cet article
Repost0

commentaires

L
Vous decrivez bien le role du livre dans chacune de nos vies. Et son importance.
Répondre
S
Un très bel article sur la passion des livres . Pour ma part je suis très attachée aux vieux , très vieux livres dont je voudrais pouvoir remplir ma bibliothèque . Ils m’ émeuvent beaucoup par leurs taches de vieillesse qui me font éprouver un grand respect pour eux et me font voyager dans le temps . Et que dire quand on y trouve , dans les marges de leurs contenus , des corrections de l’auteur qui permettent d’entrer un peu dans l’intimité de sa pensée , ses hésitations et son choix définitif .
Répondre
A
Oui, l'ouvrage annoté transmet un message de partage et d'intimité d'autant plus émouvant si il est de l'auteur lui-même.
P
Que j'aime Armelle votre commentaire si éclairé sur la passion des livres!<br /> Cette passion que j'ai toujours eue, comme Vous!<br /> Mais j'ai eu deux initiateurs, ma mère dont la Bibliothèque aura été ma joie, et qui m'a appris à lire chaque soir dans mon lit, aussi me suis-je ennuyée dans les petites classes; car moi à quatre ans je lisais déjà. <br /> Puis mon frère qui avait non seulement la passion des livres, mais de tous les arts.<br /> Cet esthète, ce créateur, m'aura ouvert des mondes, et les librairies comme les quais de Paris où il partait, curieux et enthousiaste, à la recherche de livres introuvables et des trésors de la littérature auront été sa joie.<br /> Oui, mère et frère furent , on peut le dire, mes initiateurs et mes maîtres.<br /> Ma mère s’intéressait surtout à la Psychologie et à l'Histoire, quant à mon frère il avait une curiosité encyclopédique.<br /> Mon père adorait lire aussi, mais il en avait, et l'avouait, moins le temps.<br /> Je ne vais pas passer en revue tous les membres de la famille, car lire était aussi pour mes grand-mères maternelles une drogue!<br /> Je veux dire simplement que la beauté interne d'un livre, comme sa beauté extérieure, surtout pour Jean-Reynald qui assimilait le livre à un bijou rare , m'a été inculquée depuis toujours. Même si avec mon frère j'ai avancé à pas de géant.<br /> Vous avez raison, Armelle, la reliure d'un livre, c'est sa peau, et plus le livre est beau, comme du temps des moines médiévaux, et plus la joie est grande de le contempler et de le tenir dans ses mains.<br /> Le parfum d'un livre, l'odeur du papier, cette sensualité qu'il dégage, a toujours été pour moi quelque chose de très important. Même quand étais une toute petite fille.<br /> Je respirai le livre, et je me délectai.<br /> Un beau livre ne touche pas que l'intellect ou l'imagination, il touche aussi tous les sens.<br /> Bonne soirée Armelle et merci pour votre texte, et merci pour ce thème.<br /> Isabelle
Répondre
A
Un livre est toujours un secret que l'on découvre, une aventure proposée à l'intelligence, un moment consacré à la découverte de mondes inconnus, un temps de surprise que l'on savoure. J'ai vécu parmi les livres grâce à mon père dont l'immense bibliothèque était un ravissement pour l'oeil avant d'être une richesse pour l'esprit.
M
Une description passionnante de l'évolution du livre au fil du temps.
Répondre
S
C'est un article que nous avons pris beaucoup de plaisir à lire, alors merci !
Répondre
P
Tu sais Armelle, il y a un film que j'adore regarder, c'est my fair lady, ne serait-ce que pour l'incroyable bibliothèque de Rex Harrison... et cette année pour Noël, je fais mes cadeaux dans les<br /> bouquins : ceux qui sont dans les listes qu'on me demande ou le coup de coeur avec les conseils de ma libraire.
Répondre

Présentation

  • : Le blog interligne d' Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • : Grâce au pouvoir des mots, une invitation à voyager sur les lignes et interlignes.
  • Contact

TEXTE LIBRE

 4016234704 (Small)

Un blog qui privilégie l'évasion par les mots, d'abord, par l'imaginaire...toujours.

LES MOTS, nous les aimons pour eux-mêmes, leur sonorité, leur beauté, leur velouté, leur fraîcheur, leur hardiesse, leur insolence, leur curiosité, leur dureté, leur volupté, leur rigueur.
Différemment des notes et des couleurs qui touchent d'abord notre sensibilité, ils ont vocation à transmettre, informer, émouvoir, expliquer, séduire, irriter, formuler les idées, forger les concepts, instaurer le dialogue.
Ainsi nous conduisent-ils vers l'autre, l'absent, l'étranger, l'inconnu, l'exilé.

Parce qu'ils disent qui il est, comment est le monde, pourquoi est la vie, qu'ils gomment les distances, comblent les vides, dévoilent les énigmes, suggèrent le mystère, ils sont nos courroies de transmission, nos outils journaliers.

 

La vie doit être vécue en regardant vers l'avenir, mais elle ne peut être comprise qu'en se tournant vers le passé.

 Soëren Kierkegaard

 

Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que je sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche.

   Montaigne

 

Veux-tu vivre heureux ? Voyage avec deux sacs, l'un pour donner, l'autre pours recevoir.
   Goethe

 

 MES DERNIERS OUVRAGES PUBLIES ( cliquer sur l'icône pour accéder à leur présentation )

 

1184097919 profil de la nuit  2851620614

les signes pourpres  3190-NEL i 978-3-8417-7335-7-full

 

SI VOUS PREFEREZ LES IMAGES et le 7e Art, RENDEZ-VOUS SUR MON BLOG : 

 

Bannière pour Armelle 1 

 

 

Recherche