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25 juillet 2011 1 25 /07 /juillet /2011 09:14

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Curieusement étiqueté "roman", C'est une chose étrange à la fin que le monde * n'a pas davantage le souci d'être un essai. Jean d'Ormesson nous livre, avec sa faconde habituelle, dans un style agréable, les réflexions d'un octogénaire sur la vie, la place de Dieu et la progression de la science. Comprendre, c'est remonter aux origines - explique-t-il d'emblée. On ne saurait lui donner tort. Il s'identifie à Thésée pour suivre "le fil du labyrinthe" et nous raconter, au final, une merveilleuse histoire : la disparition des dinosaures, les vallées fertiles des civilisations de l'Antiquité, l'astronomie, les idées platoniciennes et aristotéliciennes, les découvertes de Linné. L'auteur s'avère être un démiurge. Oui, en quelque sorte, il rédige le roman du monde, en explique la marche dans un ouvrage qui échappe aux conventions, reprenant le questionnement déjà en filigrane dans ses livres précédents : D'où venons-nous ? Où allons-nous ?  et, selon l'énoncé de Leibniz, "Pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien ?", titre de son second chapitre, jetant un regard non dénué d'aménité sur la vie qui l'a particulièrement choyé - reconnait-il - et sur la condition humaine capable de produire des êtres vils et cruels mais également des artistes incomparables et des savants en mesure de s'interroger sur l'univers qui les a engendrés.

 



Derrière l'historien et le philosophe, qui ne cesse de pointer son nez, il y a  le fin lettré, l'amoureux fou de la littérature. L'écrivain nous rappelle à bon escient qu'Homère fut le plus grand des poètes. Il a également la bonne idée d'opposer les découvreurs aux inventeurs. Dans le camp des premiers : Copernic, Newton, Einstein. Parmi les seconds : Virgile, Dante, Michel-Ange, Mozart, Baudelaire. Et Proust, bien sûr. Il cite Hamlet : Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre que n'en rêve votre philosophie. Mais, encore plus inépuisable, invraisemblable, que tous les romans, il y a le monde.  

 

 

Pour Jean d'Ormesson, seuls comptent l'art et la science. Et deux questions priment : Dieu existe-t-il ? Qu'y a-t-il après la mort ?  Il s'abandonne aussi aux sentiments qui lui sont les plus doux : admiration, gratitude, gaieté. Sa sagesse nous apaise. Le passé s'éclaire à mesure qu'il s'éloigne - écrit-il. Alors soyons patients. A la fin, les secrets du monde nous seront révélés. Pour procéder à cet interrogatoire sur les questions primordiales, l'auteur n'a pas hésité à convoquer Dieu, Lui-même, qu'il nomme le Vieux. La mort, un commencement ? - se demande-t-il - cédant à une longue réflexion sur la nature du temps. Quant à Dieu - écrit-il - s'il n'existait pas, personne ne croirait en une vie éternelle. D'autant que la cosmologie moderne nous donne des raisons d'envisager une transcendance, ayant découvert  que l'Univers avait été réglé d'une façon extrêmement précise qui favorise l'apparition des étoiles. Hors, par leur alchimie nucléaire - explique l'astrophysicien Trinh Xuan Thuan - ces étoiles ont ensuite fabriqué les éléments chimiques lourds, nécessaires à la vie et à la conscience. En d'autres termes, l'existence du vivant est inscrite dans les propriétés de chaque atome, étoile et galaxie, et de chacune des lois qui régissent le cosmos. Si certaines propriétés de l'Univers étaient un tant soit peu différentes, personne ne serait là pour en parler et s'interroger à ce propos, comme le fait Jean d'Ormesson pour notre plus grand plaisir.

 

 

Ainsi, dès le début, l'Univers contenait en germe les conditions requises pour l'émergence, non seulement de la vie, mais de la conscience. Ce réglage savant est-il dû au seul hasard ? Ou bien résulte-t-il d'une nécessité ?  La science, dans l'état actuel des choses, est dans l'incapacité de trancher entre ces deux propositions. Toutes deux sont également possibles bien qu'encore invérifiables. Dans l'hypothèse du hasard - précise Trinh Xuan Thuan - il faudrait postuler l'existence d'une infinité d'univers parallèles au nôtre, ce que l'on appelle un "multi-univers". Une majorité de ces univers parallèles ne posséderait pas les conditions physiques nécessaires pour héberger la vie et la conscience et serait vide et stérile, sauf le nôtre où, par hasard, la combinaison gagnante est sortie, et nous serions alors, en quelque sorte, le gros lot.

 



Par contre, si on écarte le hasard et la théorie des univers multiples, qui sont invérifiables par l'observation, il nous faut parier, comme Pascal, sur un principe créateur qui a réglé l'Univers dès son commencement. C'est cette seconde solution que choisit Jean d'Ormesson dans "C'est une chose étrange à la fin que le monde". Il parie sur Dieu car : " L'homme a besoin de sens et d'espérance comme il a besoin d'eau, de lumière ou d'air". On pourrait ajouter qu'en observant l'architecture majestueuse des galaxies, l'harmonie et la beauté qui règnent dans la nature, on se prend à douter que tout cela soit le fruit de ce seul hasard. L'écrivain confesse qu'il a écrit ce livre pour tenter "d'inverser le mouvement et de donner ses chances à Dieu dont il est aussi impossible de prouver l'existence que la non-existence". En cherchant cette illumination intérieure, il nous communique une sérénité qui nous est d'autant plus salutaire que le monde, en proie à ses doutes et à ses convulsions, ne nous y incite guère. Un livre à recommander à tous ceux en quête de sens et d'intelligence et que cette fresque, qui ne couvre pas moins de 13,7 milliards d'années, ne pourra manquer de séduire.

 

*  Ed. Robert Laffont - 318 pages - 21 euros

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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