Voyez-vous en me préparant à écrire ma lettre au Père Noël, je me sens, cette année encore, indécise et perplexe, car je ne parviens pas à me faire à l’idée que la plupart des gens ne croient plus à rien et que mon propre entourage a éclaté de rire lorsque je lui ai avoué que j’allais très prochainement me saisir de ma plus belle plume pour lui adresser un message. Comment, tu crois au Père Noël ? – se sont-ils esclaffés en pouffant dans leurs mains. Eh bien oui, ai-je répondu, je crois au Père Noël, à cette dernière lueur de poésie qui brille encore faiblement sur notre grise planète car je ne puis imaginer un monde sans espérance, sans rêve, qui n’envisagerait pas de farder les jours, voire les nuits, avec les couleurs de l’imagination. Envisagerions-nous un monde sans fée, sans lutin, sans clown, sans prestidigitateur, sans fabulateur, sans conteur, sans tapis volant et sans lui, ce cher Père Noël, pour nous inviter à quitter, ne serait-ce qu’un court moment le quotidien et ses séries noires car, hélas, le mal se porte bien !
Je n’ai, pour tenter de convaincre les plus désabusés, les plus désenchantés d’entre nous, que quelques arguments, mais ceux-ci ne manquent pas de pertinence. Réfléchissons à ce que serait une existence sans illusion, une vie sans désir, un monde sans attente. L’attente de quelque chose de doux, de bon, qui nous serait destiné. Un cadeau du ciel, mais oui, un sourire de dame providence. Un futur corrigé d’une plume alerte et opportune.
Il est vrai aussi que le Père Noël, auquel je m’adresse, n’est pas celui rondouillard et peu loquace reproduit à l’identique et de multiples fois dans les rues et les grandes surfaces de nos villes au moment de l’Avent ; le mien est aujourd’hui encore paisiblement assis sur sa planète avec son char d’étoiles à ses côtés et son hamac couleur d’arc-en-ciel. Il médite en contemplant les aurores boréales, les innombrables couchers et levers de soleil dont s’émerveillait déjà le petit Prince, et surtout il ne cesse de s’étonner de l’agitation qui anime, et trop souvent pour le pire, notre planète Terre. C’est la raison pour laquelle il a choisi la nuit et son calme relatif pour agir à la vitesse de la lumière et déposer ses présents dans les souliers de nos enfants. Et tout particulièrement cette année où il lui faut porter un masque.
Si je me permets de lui souffler un conseil, soyez assurés que je le fais avec infiniment de respect et dans le seul souci de relever un défi : en effet, les deux confinements qui viennent de frapper notre pays ont été difficiles à vivre pour les enfants et j’ose supplier le Père Noël de leur offrir ce qui ne peut que les inciter à rêver, à espérer, à envisager la vie sous des cieux plus limpides et que la littérature, la musique et la poésie font mieux que toute autre discipline. Oui, pourquoi ne pas envisager cela, notre cher Père Noël chargeant sa hotte de millions de livres et de disques, d’albums et de recueils de poésie, de légendes exaltantes et de fables drolatiques, et glissant délicatement dans les petits souliers, qui attendent au pied du sapin ou de la cheminée, les trésors de l’inspiration, de l'esprit, de l'illumination et de la grâce. Alors ce Noël sera pleinement euphorisant après tant de journées moroses.
ARMELLE
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