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17 novembre 2014 1 17 /11 /novembre /2014 08:37

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C’est le deux-centième anniversaire de la mort de Bernardin de Saint-Pierre, peut-être une raison suffisante pour lui rendre hommage en publiant cette chronique sur le roman qui l’a rendu célèbre à jamais. Mais, je confirme, ce texte n’est pas aussi insipide que certains se complaisent à le dire, il mérite bien une lecture que j’ai faite récemment et j’en suis ravi.


 

Paul et Virginie

Jacques Henri Bernardin de Saint-Pierre (1737 – 1814)


 

Depuis très longtemps, j’avais envie de lire ce livre car je ne comprends pas très bien pourquoi on dit et écrit tant de choses désobligeantes sur ce roman dont le succès génère régulièrement des rééditions depuis plus de deux siècles. Il doit exister un petit brin de magie ramenant sans cesse de nouveaux lecteurs vers cet ouvrage qui raconte une histoire plutôt simple, romantique et très pathétique.

 

Dans la seconde moitié du XVIIIe  siècle, à Maurice, l’Ile de France à l’époque, une jeune veuve enceinte trouve refuge avec son esclave noire dans les montagnes avoisinantes de Port Louis où elle rencontre une jeune femme, mère d’un petit Paul, qui vit là aussi avec son esclave. Bientôt cette veuve met au monde une petite Virginie et les deux familles vivent alors en parfaite osmose une existence largement inspirée des thèses de Jean Jacques Rousseau, ami de l’auteur. Une vie simple, pieuse, laborieuse et vertueuse, en harmonie avec la nature et le voisinage. Les enfants sont élevés selon des principes que l’Emile de Jean Jacques Rousseau n’aurait certainement pas reniés. « Jamais les leçons d’une triste morale ne les avaient remplis d’ennui». « On ne les avait jamais effrayés en leur disant que Dieu réserve des punitions terribles aux enfants ingrats ».

 

Cette vie de vertu et de dénuement matériel mais de grande richesse affective et sentimentale ne dure pas très longtemps, bientôt ces deux familles sont confrontées à la violence et aux vices de la société européenne par l’entremise d’une tante riche et mauvaise qui veut faire le bonheur de sa petite-nièce malgré elle. C’est le grain de sable qui vient perturber la belle mécanique amoureuse qui s’était mise en marche entre les deux adolescents, et transforme cette  histoire d’amour en une Love story des temps modernes aussi pathétique que celle d’Erich Segal.

 

Les histoires d’amour tragiques séduisent souvent un large public mais ce livre, même s’il est un peu naïf et candide, pathétique et plein de bons sentiments, a une autre dimension, il prône un modèle de société idéal, certainement inaccessible, mais porteur de valeurs qui pourraient grandement améliorer la vie sur terre si elles étaient mises en pratique, en Europe notamment mère de tous les vices. C’est une véritable leçon de morale et d’éducation que l’auteur dispense aux lecteurs en s’appuyant sur les théories de Jean-Jacques Rousseau mais c’est aussi, en creux, une critique à peine voilée de tout ce qu’entreprennent et manigancent ceux qui détiennent les pouvoirs politiques, économiques, religieux … On sent nettement sous la plume de cet érudit une grosse pointe d’aigreur personnelle, on dirait qu’il n’a pas obtenu ce qu’il voulait et qu’il en rend responsables ses semblables qui ont oublié les sacro-saints principes du maître de l’Emile.

 

Il ne faut surtout pas nier que Bernardin de Saint Pierre est un excellent homme de plume, son écriture est riche, fluide, parfois recherchée et il maîtrise son roman de bout en bout et, même si son histoire peut paraître mièvre, elle comporte aussi des élans d’héroïsme stoïque face à la mort : « j’ai été trouvée fidèle aux lois de la nature, de l’amour, et de la vertu. J’ai traversé les mers  pour obéir à mes parents ; j’ai renoncé aux richesses pour conserver ma foi : et j’ai mieux aimé perdre la vie que de violer la pudeur ». Le testament de Virginie pourrait être aussi celui de l’auteur, le message qu’il voulait nous laisser… mais aussi la vie qu’il a menée parce qu’il n’a pas réussi à faire fortune ?

 

Denis BILLAMBOZ

 

Pour consulter les listes de mes précédents articles, cliquer sur les liens ci-dessous :

 

Liste des articles "Les coups de coeur de Denis "

 

Liste des articles : LES VOYAGES LITTERAIRES DE DENIS

 


 

 

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commentaires

P
J'apprécie votre blog , je me permet donc de poser un lien vers le mien .. n'hésitez pas à le visiter. <br /> Cordialement
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D
Hello Pascal !<br /> <br /> C'est surtout ma femme qui se préoccupe des festivités et cadeaux de Noël, elle a projeté de commencer ses achats cet après-midi. Pour ma part, je suis surtout dans mes activités qui sont en<br /> général plutôt intenses à cette époque de l'année, tout le monde veut solder les dossiers en cours avant la fin de l'année, tu dois bien connaître ça dans ton job. Je te souhaite une bonne<br /> préparation de Noël avant de passer aux festivités elles-mêmes.
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P
Bonjour Denis,<br /> voici un livre que j'ai lu dans ma jeunesse et que je trouvais follement dépaysant et romantique. Un peu démodé certes mais un style comme on en fait plus et une projection de l'état d'esprit d'une<br /> époque.Bien loin du nôtre. Prépares-tu déjà Noël ? Avec ta famille et tes petits-enfants je suppose.
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D
Tout à fait d'accord avec ton jugement, j'ajouterai que ce texte véhicule une certaine amertume qui altère notoirement la réputation de romantisme dégoulinant qui l'accompagne habituellement. Et,<br /> n'oublions pas la belle satire du pouvoir en place qui en fait un document à valeur historique.Je ne regrette nullement de l'avoir lu et d'en parler ici.
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A
Je te joins, Denis, le jugement de Chateaubriand sur cet ouvrage.<br /> <br /> "Il est certain que le charme de Paul et Virginie consiste en une certaine morale mélancolique qui brille dans l'ouvrage, et qu'on pourrait comparer à cet éclat uniforme que la lune répand sur une<br /> solitude parée de fleurs. Or, quiconque a médité l'évangile doit convenir que ces préceptes divins ont précisément ce caractère triste et tendre. Bernardin de Saint-Pierre qui, dans ses Etudes de<br /> la Nature , cherche à justifier les voies de Dieu, et à prouver la beauté de la religion, a dû nourrir son génie des livres saints."<br /> <br /> Chateaubriand, Le Génie du Christianisme, 1802<br /> <br /> Si le livre a pris quelques rides, il n'en reste pas moins le témoignage d'une époque, une histoire belle et touchante, des sentiments élevés qui font hélas défaut aujourd'hui et une magnifique<br /> démonstration de la beauté de notre langue française.
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