Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 septembre 2018 5 14 /09 /septembre /2018 08:25
Marcel Proust et le labyrinthe

Le thème du labyrinthe a été maintes fois évoqué au sujet de l’œuvre de Marcel Proust que certains lecteurs considèrent comme un auteur chaotique et obscur, œuvre emplie de digressions dans laquelle il est parfois difficile de cheminer et dont la lecture est un véritable trajet initiatique, en quelque sorte une démarche labyrinthique. Ce qu’il ne faut pas dissocier d’une évidente quête de soi et quête de sens. Le thème du labyrinthe se retrouve dans toutes les civilisations et apparaît, dès le XIIe siècle, dans le Christianisme avec l’évocation de la Jérusalem céleste, voie proche du labyrinthe et de l’épreuve d’initiation. On voit d’ailleurs un labyrinthe dans la cathédrale d’Amiens et un également dans la cathédrale de Chartres. Certes le labyrinthe égare. On s’y sent enclos. Il faut de l’opiniâtreté pour tenter d’en sortir. Et pour lire l’œuvre de Proust, il en faut aussi. Chaque phrase étant une unité de sens, perdre le début de l’une d’elles – et certaines sont très longues – équivaut à perdre le fil et prouve combien Marcel Proust a souvent  des phrases labyrinthiques. N’a-t-il pas l’art de nous faire voyager avec ses phrases qui n’en finissent pas et ses propositions juxtaposées ? De même que se mêlent dans ses pages le sacré et le profane. Voilà un écrivain qui ne redoute pas les accumulations graphiques et les phrases à rallonge. Un univers se déplace dans une seule page. Proust a également recours aux oxymores et tente de saisir toutes les dimensions du monde.

 

A travers les textes des sept romans qui composent « La Recherche », l’auteur use de séquences narratives qui se révèlent être des successions d’épisodes et développent ainsi les grands thèmes où l’on rencontre des passages satiriques, des considérations plus intimes, des descriptions, des dialogues, des réflexions philosophiques, psychologiques ou littéraires et de remarquables analyses des diverses couches sociales. Déjà l’écrivain devinait l’existence de l’inconscient qu’à Vienne Sigmund Freud, qu’il ne connaissait pas, percevait lui aussi et dont il établissait les bases. En définitive, quelle histoire nous conte « La Recherche » ?

 

Le premier trajet est celui de la découverte des salons aristocratiques et bourgeois et le décryptage des êtres humains passés littéralement au scanner. Mais l’illusion de l’approche se changera vite en désillusion. Les fêtes somptueuses laissent au narrateur l’impression du néant. Les gens du monde se montrent peu à peu décevants et illettrés, n’ayant qu’un vernis de surface. L’amour est, par ailleurs, une expérience redoutable. On le voit dans l’échec du narrateur avec Albertine qu’il croit aimer dans un premier temps, cet amour se révélant bientôt impossible et source de souffrance. Si bien, que se référant à Proust, on peut conclure que la jalousie et la détresse composent l’enfer du sexe.

 

Paris est une ville maudite à ses yeux, malgré ses innombrables beautés, nous pourrions ajouter pour ses fallacieuses tentations, au point que l’hôtel de Jupien, qui reçoit des homosexuels et des sadomasochistes, évoque à l’auteur Sodome et Gomorrhe. Il y a partout, autour de nous, le mal à voir et à combattre. D’autant plus que la vie est continûment traversée par la mort : celle de la grand-mère et de Bergotte, celle de Saint Loup à la guerre de 14/18 et la disparition d’Albertine lors d’un accident de cheval. L’auteur pointe du bout de sa plume l’apparition permanente du non-sens, cette difficulté à trouver un sens vrai à son existence, à la stabiliser dans une orientation précise et immuable. Depuis le début, il ne sait pas quelle est sa véritable vocation, si bien que « La Recherche » est la mise sur orbite d’une œuvre et d’une vocation tardive.

 

Quand rien n’a de sens, que faire ? – s’interroge Proust. Il y a le refuge de la peinture évoqué par Ver Meer et le personnage d’Elstir, celui de la littérature avec Bergotte et Dostoïevski, joie artistique que l’on ne peut connaître qu’en créant et qui est la voie royale, la seule qui donne sens, celle du salut, dont les réminiscences se révèlent être une grâce, l’apparition d’un temps prolongé à l’infini. En définitive, le labyrinthe conduit au centre de soi, c’est le parcours long et épuisant que nous devons emprunter pour tenter d’atteindre le sanctuaire caché et personnel qui donne existence à l'art et, pour Marcel Proust, à cette cathédrale de mots de son oeuvre, dominée par la haute flèche du « Temps retrouvé ».

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

Pour consulter les articles de la rubrique  DOSSIER MARCEL PROUST, cliquer  ICI

 

RETOUR A LA PAGE D'ACCUEIL

 

Le labyrinthe de la cathédrale d'Amiens

Le labyrinthe de la cathédrale d'Amiens

Labyrinthe végétal

Labyrinthe végétal

Partager cet article
Repost0

commentaires

L
Au debut, j'ai eu cette impression d'entrer dans un labyrinthe mais cela m'a revele des surprises et des decouvertes.
Répondre
M
Illustration is by Van Howell for “PROUST FOR BEGINNERS <br /> http://www.forbeginnersbooks.com/proust<br /> By Steve Bachmann<br /> Foreword by Harold Augenbraum
Répondre
T
Merci pour ce compte rendu, Armelle. Pour ma part, c'est pur bonheur de me perdre dans la Recherche et d'y trouver, peu à peu, des balises, des leitmotivs, des passerelles, bref, tout ce qui entre dans la construction du sens et de soi.
Répondre
E
Notre vie
Répondre
E
Quand nous commençons notre nous rentrons dans un labyrinthe.<br /> Nous savons comment nous rentrons, les périples de la vie nous détournent souvent des chemins prévues.
Répondre
D
J'ai toujours eu énormément de difficulté à lire Proust mais énormément de plaisir à me le faire lire par de beaux comédiens comme André Dussolier ou Lambert Wilson.
Répondre
A
Bien sentie, comme c'est le cas avec de tels interprètes, la lecture de La Recherche est un enchantement.

Présentation

  • : Le blog interligne d' Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • : Grâce au pouvoir des mots, une invitation à voyager sur les lignes et interlignes.
  • Contact

TEXTE LIBRE

 4016234704 (Small)

Un blog qui privilégie l'évasion par les mots, d'abord, par l'imaginaire...toujours.

LES MOTS, nous les aimons pour eux-mêmes, leur sonorité, leur beauté, leur velouté, leur fraîcheur, leur hardiesse, leur insolence, leur curiosité, leur dureté, leur volupté, leur rigueur.
Différemment des notes et des couleurs qui touchent d'abord notre sensibilité, ils ont vocation à transmettre, informer, émouvoir, expliquer, séduire, irriter, formuler les idées, forger les concepts, instaurer le dialogue.
Ainsi nous conduisent-ils vers l'autre, l'absent, l'étranger, l'inconnu, l'exilé.

Parce qu'ils disent qui il est, comment est le monde, pourquoi est la vie, qu'ils gomment les distances, comblent les vides, dévoilent les énigmes, suggèrent le mystère, ils sont nos courroies de transmission, nos outils journaliers.

 

La vie doit être vécue en regardant vers l'avenir, mais elle ne peut être comprise qu'en se tournant vers le passé.

 Soëren Kierkegaard

 

Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que je sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche.

   Montaigne

 

Veux-tu vivre heureux ? Voyage avec deux sacs, l'un pour donner, l'autre pours recevoir.
   Goethe

 

 MES DERNIERS OUVRAGES PUBLIES ( cliquer sur l'icône pour accéder à leur présentation )

 

1184097919 profil de la nuit  2851620614

les signes pourpres  3190-NEL i 978-3-8417-7335-7-full

 

SI VOUS PREFEREZ LES IMAGES et le 7e Art, RENDEZ-VOUS SUR MON BLOG : 

 

Bannière pour Armelle 1 

 

 

Recherche