On me croit solitaire, mais tu es toujours là,
vivant comme un dieu fou au plus profond de moi.
Mon amour insensé et déjà trop lointain
n'a pas voulu mourir quand j'ai lâché ta main.
Dis-moi, homme cruel, quel est ce sortilège
qui a su faire de moi ton jouet à tout jamais,
le jour où j'ai quitté ton beau pays de neige,
tu riais de mes larmes et moi je t'adorais.
Quand lasse de pleurer, enfin je suis partie,
j'ai cru avoir détruit ce fol amour de femme,
mais je ne savais pas, ce jour où je t'ai fui,
que tu continuerais à habiter mon âme.
Il me semble souvent qu'au fond de mon regard,
tous ces gens qui me croisent pourraient t'apercevoir.
Plus puissant que la vie, que la mort, que l'oubli,
ton amour m'a menée au bord de la folie.
Aucun homme jamais n'aura eu ton pouvoir,
tu n'as aucun rival, je n'ai aucun espoir.
Les hommes les plus beaux s'effacent devant toi,
au-delà de l'absence, tu gagnes à chaque fois.
Ils t'envient, ils t'admirent, bien sûr ils te haïssent,
mais toujours ils ignorent que tu es mon complice.
Je te parle tout bas, j'entends encore ton rire,
et je préfère t'aimer, ne pouvant te maudire.
On me croit solitaire, mais tu es toujours là,
vivant comme un dieu fou au plus profond de moi.
Mon amours insensé et déjà trop lointain
n'a pas voulu mourir quand j'ai lâché ta main.
Isabelle Prêtre - fille du grand chef-d'orchestre Georges Prêtre - a une vingtaine d'années lorsqu'elle publie son premier ouvrage chez Jean Grassin avec une préface d'une personnalité qui, à l'époque, anime une émission très écoutée sur le poésie : Jean-Pierre Rosnay. Sans doute par discrétion, et parce que elle ne sait pas très bien comment ses parents prendront la chose, elle se choisit un nom d'emprunt Isa Kerlaine, sans toutefois oublier de dédicacer l'ouvrage à ce père si admiré. Le tour est joué, voici cette toute jeune et ravissante jeune fille entrée dans le monde de l'édition grâce à des poèmes que Jean-Pierre Rosnay qualifie ainsi dans sa préface : "Comme d'autres tricotent - un point à l'endroit un point à l'envers - ajustant bien ses mots, Isa projette de poème en poème, toute la magie de sa féminité. La boucle d'or est bouclée. Isa est poète, mais aussi poème et c'est comme si, tout à coup, par miracle, des lys et des coquelicots surgissaient entre les pavés du présent."
Elle est par ailleurs très souvent invitée à participer à l'émission qu'anime Rosnay "Le club des poètes" dans les années 1970. Malgré le succès de ce premier ouvrage, Isabelle Prêtre cesse de publier cette poésie si ardente que lui a inspiré ses années de jeunesse pour se consacrer à des études de philosophie, devenant professeur et également auteur de plusieurs ouvrages. ( Voir mes articles consacrés à deux d'entre eux)
Onze leçons de philosophie pour réussir sa vie
Les lumières de Saint Augustin
J'ai connu Isabelle Prêtre lors d'une conférence que je faisais sur Marcel Proust à la mairie de Louveciennes. A la suite de cette rencontre, nous avons noué une amitié animée par notre amour de la littérature et de la poésie. Comme elle, j'ai débuté jeune dans l'édition ; j'avais vingt ans également lors de la publication de mon premier recueil "Terre promise", si bien que nous trouvions en permanence des sujets d'entente et de compréhension, de sensibilité et de partage. J'ai lu son recueil avec un réel plaisir. Il est d'une telle fraîcheur, d'une telle qualité dans la musicalité des vers, dans l'expression, que l'on est non seulement charmé mais émerveillé par ce don d'écriture si évident.
Depuis lors, Isabelle Prêtre a changé de registre, peut-être parce qu'elle pensait que la poésie ne pouvait exprimer que des sentiments d'une haute intensité. Elle s'est tournée alors vers la philosophie qui nous guide et nous interpelle tout au long de notre existence et s'alimente à l'aune de l'expérience et de la réflexion. Professeur et auteur, elle n'a cessé de nuancer et d'adapter ses propos avec intelligence et conviction.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
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