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6 novembre 2013 3 06 /11 /novembre /2013 09:52
Terre Promise

 

Je suis partie au-devant de moi

Comme la source au-devant de son cours,

Le rayon au-devant de son cercle.

L’ami d’enfance m’a pris par la main.

Au garage, la bicyclette n’a plus de roues,

La poupée plus de tête

Et dans la paille volée au crépuscule

Des grillons prophétisent.

 

Rappelle-toi… ce sont bien des chevaux

Qui passent à la fenêtre

Et c’est bien moi qui danse sur la branche

Au-dessus de l’eau.

C’est bien moi qui pousse la porte.

La serrure a fait grincer la nuit,

Je tiens un bougeoir entre mes mains.

C’est bien moi couchée dans l’herbe fraîche,

Parmi les fleurs fraîches et le renouveau,

Et c’est bien moi le silence collé aux lèvres.

C’est bien moi toute seule sur le quai,

La foule agite des mouchoirs d’absence.

C’est bien moi devant le miroir

Qui rit en me regardant.

J’ai emprisonné mes cheveux dans un filet

Et mis de l’orange sur mon visage.

Tout à l’heure, tu auras la bouche sucrée.

 

La terre sent bon la semence,

Elle est brune et aiguë, fièrement offerte.

La charrue, au fond du pré, attend l’attelage.

C’est bien cette senteur, ce ciel nu,

Cette vapeur lourde, cette forêt à ma rencontre

Et c’est bien moi parmi les vignes

Avec mon grand chapeau.

Et c’est bien ton ombre qui suit mon pas.

C’était bien toi agenouillé sur le prie-Dieu

Lorsque j’ai détourné la tête.

Je suivais le chemin de croix. Le prêtre

Disait avec le Christ : Je vous ai trop aimés.

 

 

Rappelle-toi…le vieux lustre du salon

Servait d’encensoir.

Tu t’étais détourné de l’hostie de papier

Et riant tu parlais de sortilège.

Rappelle-toi…j’avais peur du vide,

L’escalier n’avait plus de rampe.

Mais tout cela, je le connais déjà et je m’ennuie.

Lorsque le soleil se lèvera,

Je prendrai le chemin aveugle

Où l’homme marche aveugle.

On y parle de lendemains.

 

Alors tu me demanderas ce que j’ai fait

Et pourquoi j’ai tant tardé à revenir.

 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE    - Extraits de « Terre Promise »

 

Poème de jeunesse publié en 1959, remarqué par Pierre Seghers, republié intégralement dans « Profil de la Nuit »

 

 

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Terre Promise
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commentaires

I
quel beau poème! <br /> Rappelle -toi...<br /> Je suis partie au devant de moi...<br /> Quel beau poème!<br /> Et je retrouve votre terrible et merveilleux vertige du temps.<br /> L 'avancée vers l'infini, la prière à l'amour afin qu'il se souvienne, la nostalgie, le désir de l'ailleurs, le passé rendu présent pour toujours.<br /> Oui, quel beau poème!<br /> Isabelle
Répondre
A
J'avais 18 ans lorsque je l'ai écrit. L'année suivante, j'ai osé le lire à mon père qui m'a encouragée à tenter une édition. Et c'est ainsi que tout a commencé.
L
A la fraicheur du propos s'ajoute une etonnante maturite.Une fulgurance qui ne se dement pas tout au long de cette oeuvre de jeunesse.
Répondre
A
Une merveille chère Armelle. Je me délecte de vos vers qui m'enchantent. <br /> "La terre sent bon la semence,<br /> Elle est brune et aiguë, fièrement offerte.<br /> La charrue, au fond du pré, attend l’attelage.<br /> C’est bien cette senteur, ce ciel nu"<br /> si vous saviez à quel point iles me renvoient aux délices du temps passé près de mon grand-père.<br /> Merci Armelle.
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A
Merci Alain, de ce partage. La poésie est comme un paysage sensible qui est fait pour la rencontre et le partage. C'est merveilleux, et si rare aujourd'hui, d'y rencontrer des amis qui vibrent aux mêmes choses et qui s'émerveillent ou se peinent des mêmes causes.
T
Quelle belle écriture! Je viens de terminer votre roman où l'on retrouve votre poésie et votre style. Et en plus une analyse de caractère très pointue. Rien ne vous échappe, chère Armelle. Vous<br /> savez sonder les coeurs.
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C
En vous lisant me reviennent des sensations de terre et de campagne quand jeune je vivais mes étés du côté de cette chère Bourgogne où un percheron gris pommelé étonnait mon regard par sa taille<br /> gigantesque et par sa docilité non moins étrange! Me reviennent aussi des odeurs : son cuir et l'odeur acidulée de la terre qui fûme au petit matin quand le soleil commence son ascension!<br /> <br /> Belle écriture que voilà !
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E
Que dire? Ca m'a touchée...
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  • : Le blog interligne d' Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • : Grâce au pouvoir des mots, une invitation à voyager sur les lignes et interlignes.
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Un blog qui privilégie l'évasion par les mots, d'abord, par l'imaginaire...toujours.

LES MOTS, nous les aimons pour eux-mêmes, leur sonorité, leur beauté, leur velouté, leur fraîcheur, leur hardiesse, leur insolence, leur curiosité, leur dureté, leur volupté, leur rigueur.
Différemment des notes et des couleurs qui touchent d'abord notre sensibilité, ils ont vocation à transmettre, informer, émouvoir, expliquer, séduire, irriter, formuler les idées, forger les concepts, instaurer le dialogue.
Ainsi nous conduisent-ils vers l'autre, l'absent, l'étranger, l'inconnu, l'exilé.

Parce qu'ils disent qui il est, comment est le monde, pourquoi est la vie, qu'ils gomment les distances, comblent les vides, dévoilent les énigmes, suggèrent le mystère, ils sont nos courroies de transmission, nos outils journaliers.

 

La vie doit être vécue en regardant vers l'avenir, mais elle ne peut être comprise qu'en se tournant vers le passé.

 Soëren Kierkegaard

 

Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que je sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche.

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