Comment faire apparaître le vent dans une peinture et lui donner forme ? Ce qui semblait ne pouvoir être peint le fut cependant et cela depuis les temps les plus reculés. On ne compte plus les peintres qui ont eu le don d'allier inconsistance et invisibilité. Il est vrai que la plupart des peuples ont, dès l’antiquité, personnifié et divinisé les vents. Donner forme à l’invisible, tel restait le défi qu’ils sont parvenus à surmonter. Alliant inconsistance et invisibilité, le sujet excédait le territoire assigné à la représentation, si bien que simplement le suggérer s’apparente à une épiphanie figurative.
La mythologie gréco-romaine et les récits qui s’y enracinent, comme l’Odyssée ou la Bible, forment le socle de cet imaginaire des vents. Mais comment peindre le vent, comment représenter la tempête puisque le souffle n’est perceptible qu’à partir de ses effets. La fureur des vagues, l’inclinaison des mâts des bateaux, les vêtements des personnages et leurs corps en lutte, les arbres ployés, tout ce qui est flexible évoque la présence invisible du vent, ce demiurge qui donne une forme nouvelle et parfois tragique aux voiles et aux végétaux, aux arbres et aux merveilleux nuages. Si bien que l’on conçoit combien la nature entière peut être secouée par ces forces tempétueuses au point de devenir le reflet des tourments de l’âme et inspirer d’autant plus le peintre.
Travailler en plein air fut un auxiliaire figuratif chargé d’accroître le caractère dramatique d’une scène et d'exercer l'artiste au mouvement pur, puisque, dans le même temps, celui-ci s’emploie à capter ce qui se dérobe en une image qui se devait jusqu’alors d’être fixe et cadrée. Plus tard, ce fut grâce à l’image cinématographique que l’on pût d’autant mieux apprécier la beauté fascinante des variations libres des éléments. Le vent est désormais un sujet contemporain et impose son omniprésence, ses terrifiantes colères mais également ses bienfaits, les artistes s’interrogeant sur la meilleure manière de le représenter, car le vent, comme l’air, ne se voit pas mais agit et impose sa présence. Puisqu'il est invisible, comment le saisir ? Cela conduit à chercher de nouvelles équivalences. La touche ondulatoire tente ainsi de restituer le sentiment de la force et de la dissolution des formes. Oui, la fugacité du vent, qui se plaît à dissimuler d'où il vient et où il va, ne cesse d’interroger l’artiste qui aime à se confronter à ce vecteur de puissance et d’immensité.
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