Ici, nous avons cru la nuit définitive,
peuplée de grands ducs et de dames blanches.
Crois-moi si je te rappelle que l’enfance
a le goût des cerises et des pommes sures.
Crois-moi si je t’évoque le parc empli de mystères
où s’empannent les ailes des oiseaux nocturnes.
La demeure resplendit comme une châsse
au bout de la nef d’arbres centenaires,
un peuple de fantômes s’y ébat
à la lueur mourante des chandelles.
Entends le bruit de leurs bottines
qui claquent sur les dalles de marbre noir !
Non, nous ne pouvons plus vivre ici,
trop obsédante est l’attentive sollicitude des branches,
le frémissement des trembles,
alors que passe l’étranger.
Et puis, au large de la plaine,
le ciel a la couleur de l’ambre.
Scrupuleuse, je définis ta place parmi nous,
j’élargis le cercle où tu figureras,
je ferme toutes ouvertures sur le réel,
afin que le foyer soit clos infiniment
sur nos longues nuits désirantes.
Ensemble, nous veillerons le feu.
Je te dirai : recueille-toi, la haute chambre
dévoile son secret,
l’astre franchit l’augure,
la matière se libère et s’aimante,
n’est-ce pas enfin l’obscur qui consent ?
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE ( extraits de « Profil de la Nuit » )
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