" Le sacré est ce qui donne vie et ce qui la ravit " ( Roger Caillois)
L'Occident a-t-il évacué le sacré de ses préoccupations ? Certaines orientations pourraient nous le laisser craindre. Il semblerait, en effet, que le questionnement existentiel, qui incitait l'homme à s'interroger avec perplexité sur ses origines et sa finalité, ne soit plus d'actualité, puisque l'opinion en vogue tente d'accréditer avec force argumentation l'idée que l'univers est vide de toute pensée et que nous roulons vers le néant, nous condamnant, si nous n'y prenons garde, à n'être plus que des citoyens consommateurs qu'il serait aisé d'asservir comme une masse humaine aussi homogène que possible, astreinte à un prêt-à-penser égalitaire. Voilà ce qui risque de se produire, à plus ou moins brève échéance, si l'homme s'éloigne de ce qui, jusqu'alors, en avait fait une créature à part sur notre planète, pour la raison qu'elle peut, tout à la fois, se penser et penser l'univers, se tourner vers le passé aussi bien que se projeter dans l'avenir, et s'imaginer un destin qui outrepasse les frontières fixées par la matière. Un être qui unit chair et esprit.
Surprenant que de nos jours, certains jugent superflu l'enseignement de l'histoire qui, de tout temps, a répondu à la problématique d'une époque et d'un lieu donné ; d'autant que dans un monde qui tend à devenir unique et où les problèmes sont globaux, il est capital de se rappeler les parcours différenciés, ce qui singularise et distingue les nations et les peuples les uns des autres, dans le respect de ce qui, dissemblable de nous, nous reste néanmoins proche. N'oublions jamais que l'uniformisation peut devenir un totalitarisme, dont l'objectif serait de métisser les populations afin de les dissoudre et de les standardiser. Si la conquête de la liberté, sans laquelle l'homme ne peut être une personne, comporte des risques et doit être soumise au doute méthodique, elle ne peut pas être écartée davantage que le sacré de la conceptuelle humaine. Il semble impossible qu'un quelconque avenir - respectueux de l'être - s'envisage sans qu'y soient étroitement associées ces deux notions. N'est-ce pas grâce à l'esprit de liberté que l'on pourra susciter des comportements et des modes de participation basés sur le respect d'autrui et n'est-ce pas grâce à la contribution de chacun que l'on trouvera des solutions aux problèmes qui nous sont communs ? Si je comprends mon prochain en ce qui le distingue de moi et s'il me comprend de la même façon, nous pouvons dialoguer, collaborer, nous mettre d'accord sans perdre une identité à laquelle nous ne saurions renoncer, de façon à bâtir une maison planétaire habitable et supportable, en évitant les rivalités ethniques. Nous savons trop bien, désormais, que notre planète est une, elle est donc la maison commune de l'humanité que nous devons administrer, sans évacuer les valeurs qui ont fondé les grandes civilisations et sans refuser, à chaque peuple, de rester lui-même. Et ces valeurs reposent toutes sur les notions de liberté et de sacré. Sans sa relation au sacré, l'homme n'est qu'une enveloppe vide, sans l'exercice d'une liberté contrôlée, il serait rapidement la victime d'un système déshumanisé, bien incapable de gérer ce que l'on appelle communément le potentiel humain.
On a connu cela dans un passé encore proche. En effet, le communisme et le nazisme, qui ont dénaturé le XXe siècle, sont les deux seules idéologies qui se sont refusées, l'une et l'autre, à respecter la liberté individuelle et à se référer à une quelconque relation avec la transcendance. Et on sait où elles ont mené les hommes...
Or le mondialisme (qu'il ne faut pas confondre avec la mondialisation, échanges commerciaux légitimes entre les pays) risque d'être une idéologie de nature assez proche, que gouvernerait une synarchie technocratique imposée par la haute finance internationale. C'est un autre danger que nous ne devons pas écarter, aussi avons-nous le devoir de rester vigilants. Comment ? En puisant dans notre passé, notre mémoire, notre histoire, les valeurs qui ont servi d'assises aux civilisations et, à la nôtre en particulier, en nous refusant à dilapider un héritage qui nous a fait héritiers. Le refus du conservatisme est une hérésie, car, privée des structures du passé, la modernité n'est qu'une bulle artificielle, illusoire et éphémère. Et comment ne pas se rappeler que l'on ne dure qu'en se prolongeant, et que celui qui ne voit pas loin dans ce qui est passé ne verra pas loin dans ce qui est à venir, se jetant à corps perdu dans une fuite en avant sans motivation et sans but. Parions que le passé, dont nous disons tant de mal, sans le bien évaluer ou le bien connaître, est la seule lumière en mesure d'éclairer l'actualité...de demain.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
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