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17 novembre 2013 7 17 /11 /novembre /2013 09:15

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Ce peintre possède un mystérieux pouvoir : celui de questionner le réel tout en le sublimant.

 

J'ai fait la connaissance de Stanley Rose lors d'un séjour en Bourgogne où il vit avec sa femme Avril depuis plusieurs années, au coeur d'un environnement bucolique qui peut surprendre de la part d'un artiste pour qui le visage humain et les objets - principalement les objets motorisés - forment l'essentiel de son inspiration. Anglais d'origine, cet apparent désinvolte, d'une élégance et d'un humour tout britannique, cache sous ces arcanes de bienveillance une nature pleine de complexité, d'exigence et probablement d'inquiétude. Sa vie ne fut pas un long fleuve tranquille, aussi ses combats furent-ils conduits avec une pugnacité exemplaire.

 

 

Né en 1948 dans un milieu rural du Dorset, il s'enthousiasma très tôt pour le sport et saura conjuguer, au cours de son adolescence, ses passions diverses pour le ballon rond, le cricket et de très sérieuses études artistiques. En 1970, Stanley rencontre Avril, elle-même étudiante en désign de mode et part étudier à l'université de Birmingham, puis, son diplôme en poche, obtient son premier poste d'enseignant. Ayant épousé Avril en 1972, les tourtereaux rêvent d'un nid douillet et insolite si possible, ce sera leur première péniche. Cependant, l'idée d'habiter en France les taraude et c'est ainsi qu'ils vont faire l'acquisition de "La chouette", une péniche hollandaise avec laquelle le couple rejoindra Cercy-la-Tour dans la Nièvre. Dès lors, leur vie d'artistes sera marquée par les rencontres, celles qui contribuent à vous forger un destin. Bientôt tous deux ouvrent une école de peinture à Mailly-le-Château en Bourgogne dont on sait les canaux séduisants pour les bateliers. Mais une péniche est étroite et la place manque très vite à un artiste tel que Stanley qui se plaît à des compositions murales d'importance, si bien qu'un admirateur lui offre un asile plus conforme à ces nécessités, doté d'un atelier immense avec vue imprenable sur la vallée. Ce sera le retour sur la terre ferme au domaine romantique de La Tour auprès d'un amateur de voitures anciennes et un hébergement temporaire qui perdure depuis treize ans. 

 

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Dans ce lieu privilégié, Stanley va affiner son inspiration et varier ses sujets : voitures, motos, camions, tracteurs, canapés de cuir, vieux bagages vont venir habiter ses toiles au point que la question se pose : objets inanimés avez-vous donc une âme ? Car, c'est en cela que Stanley Rose affirme un style, construit une oeuvre très personnelle qui est celle de donner aux objets l'importance, l'intensité, l'expression d'un être à part entière. Les nombreux objets peints avec une authenticité frappante vous questionnent avec autant de force, de présence qu'un visage humain. Une voiture de course, une bicyclette, une moto, une paire de godillots sont pénétrés d'une interrogation troublante. Rien d'étonnant à ce qu'un tel artiste plaise follement aux américains. Il croque si bien la vie d'aujourd'hui, la vitesse qui nous emporte, les vêtements froissés des hommes et femmes pressés que nous sommes, vision hyperréaliste d'une existence vécue à cent à l'heure et attentive au plus infime détail. Aussi l'alchimie, qui est la sienne, et allie la précision du trait à une incroyable poésie des couleurs, est-elle le fruit d'une technique picturale admirablement maîtrisée. La force de ces compositions, nourrie par la consistance de la matière et de subtiles transparences, vous saisit d'emblée, tandis que la profondeur des scènes vous fait entrer de plein pied dans un territoire, un univers d'une modernité indéniable, scénique,  je dirai presque cinématographique avec ses fondus enchaînés, faisant de nous les témoins d'une solitude, d'une intimité. Car la mélancolie est rarement absente d'une oeuvre qui fixe l'instant afin de mieux l'éterniser.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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6 novembre 2013 3 06 /11 /novembre /2013 09:52
Terre Promise

 

Je suis partie au-devant de moi

Comme la source au-devant de son cours,

Le rayon au-devant de son cercle.

L’ami d’enfance m’a pris par la main.

Au garage, la bicyclette n’a plus de roues,

La poupée plus de tête

Et dans la paille volée au crépuscule

Des grillons prophétisent.

 

Rappelle-toi… ce sont bien des chevaux

Qui passent à la fenêtre

Et c’est bien moi qui danse sur la branche

Au-dessus de l’eau.

C’est bien moi qui pousse la porte.

La serrure a fait grincer la nuit,

Je tiens un bougeoir entre mes mains.

C’est bien moi couchée dans l’herbe fraîche,

Parmi les fleurs fraîches et le renouveau,

Et c’est bien moi le silence collé aux lèvres.

C’est bien moi toute seule sur le quai,

La foule agite des mouchoirs d’absence.

C’est bien moi devant le miroir

Qui rit en me regardant.

J’ai emprisonné mes cheveux dans un filet

Et mis de l’orange sur mon visage.

Tout à l’heure, tu auras la bouche sucrée.

 

La terre sent bon la semence,

Elle est brune et aiguë, fièrement offerte.

La charrue, au fond du pré, attend l’attelage.

C’est bien cette senteur, ce ciel nu,

Cette vapeur lourde, cette forêt à ma rencontre

Et c’est bien moi parmi les vignes

Avec mon grand chapeau.

Et c’est bien ton ombre qui suit mon pas.

C’était bien toi agenouillé sur le prie-Dieu

Lorsque j’ai détourné la tête.

Je suivais le chemin de croix. Le prêtre

Disait avec le Christ : Je vous ai trop aimés.

 

 

Rappelle-toi…le vieux lustre du salon

Servait d’encensoir.

Tu t’étais détourné de l’hostie de papier

Et riant tu parlais de sortilège.

Rappelle-toi…j’avais peur du vide,

L’escalier n’avait plus de rampe.

Mais tout cela, je le connais déjà et je m’ennuie.

Lorsque le soleil se lèvera,

Je prendrai le chemin aveugle

Où l’homme marche aveugle.

On y parle de lendemains.

 

Alors tu me demanderas ce que j’ai fait

Et pourquoi j’ai tant tardé à revenir.

 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE    - Extraits de « Terre Promise »

 

Poème de jeunesse publié en 1959, remarqué par Pierre Seghers, republié intégralement dans « Profil de la Nuit »

 

 

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Terre Promise
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28 octobre 2013 1 28 /10 /octobre /2013 08:43

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           VIDEO D'APOSTROPHES de Bernard PIVOT

 

 

Ce livre a été pour moi un moment de lecture très émouvant qui décrit, en un texte relativement court mais très beau, le drame que fut, et est encore pour certains, la vie en Algérie depuis la fin de la dernière guerre mondiale et les premiers soulèvements contre la colonisation.

 

 

Adieu ma mère, adieu mon cœur

Jules Roy (1907 – 2000)

 

C’était un 2 novembre, quand les gens vont fleurir les tombes des leurs, en 1994 ou en 1995 ou une autre année au début de cette décennie - il ne se souvient plus exactement que, Jules Roy, au soir de sa vie, en ayant marre de ne pas pouvoir fleurir la tombe de sa mère et de ceux qu’il avait laissés dans les cimetières algériens, décida, sous le coup de la colère, de retourner dans son pays natal malgré les dangers que cela représentait à cette époque- là.

 

Et c’est ainsi qu’il retrouvera Alger, Alger la blanche, Alger la putain, transformée par trente années d’indépendance et de guerre civile qui ne voulait pas dire son nom mais bien visible dans les rues envahies de policiers en armes et obstruées de barrages. Le FIS, le GIA, les islamistes, les barbus, les ninjas rivalisaient de violences et de cruauté, massacrant à tour de kalachnikovs des innocents sans raison, pour des causes futiles et même simplement pour le symbole qu’ils pouvaient représenter à leurs yeux. Les journalistes et les représentants de la moindre once de culture occidentale étaient des victimes de choix. Alger et sa région étaient devenus le terrain de jeux mortifères des ninjas et des barbus qui rivalisaient de cruauté et de sadisme.

 

La première et certainement la dernière fois que Jules Roy a pu se recueillir, sous la protection de la police, sur la tombe de sa mère et des siens après l’indépendance. Un dernier pèlerinage, avant la fin de sa vie, pour retrouver sa mère, son vrai père, celui qui lui a donné son nom, son frère consanguin, son frère utérin, l’oncle Jules, la grand-mère, la famille, les amis et Meftah, celui qu’on n’entendait jamais mais qui était toujours là quand on avait besoin de lui. Et surtout les souvenirs, un afflux de souvenirs, issus de l’enfance, de l’adolescence, des événements, de l’indépendance, de la fracture, des erreurs, des honneurs, du deuil jamais fait.

 

Un océan de nostalgie, un voyage dans le temps où l’Algérie était française, dans la famille de Jules Roy, dans l’histoire des relations franco-algériennes, dans un pays prospère où les colons méprisaient, le plus souvent les autochtones, où un fossé séparait déjà les deux communautés. Camus avait choisi sa mère au détriment de la justice, Jules Roy a choisi la justice, sa mère méprisait les bicots, « les troncs de figuiers », il s’excuse sur sa tombe de lui avoir donné tort mais il ne pouvait pas la suivre dans ses errements, il avait vu la guerre en Indochine et avait alors décidé d’abandonner l’armée sans cependant accabler ses compagnons d’armes. Les Arabes ont participé aux deux grandes guerres mais ont toujours été traités avec condescendance et mépris et la réconciliation et la fraternité n’ont jamais été possibles. Les deux communautés vivaient, et vivent encore, un amour impossible, une passion dévorante, une cohabitation et une séparation tout aussi impossibles. « Elle avait tort, ma mère, d’accabler les Arabes avec les mots qu’on employait dans toute ma famille et chez presque tous les colons d’alors ».

 

Avec son écriture brève, rapide, précise, juste, Jules Roy nous lègue, en héritage, dans ce livre-testament, un bilan synthétique d’un demi-siècle d’histoire franco-algérienne où le peuple algérien ne trouva jamais la paix car, comme disait sa mère : « Ils jouissent de voir le sang couler ». Le testamentaire pense, lui, que la responsabilité de la dégradation du pays incombe prioritairement à la colonisation, aux colons et au pouvoir corrompu qui a pris la suite. Il veut croire en un autre avenir même s’il a vu ces jeux morbides, qui dévastèrent le pays, trouver ensuite leur prolongement dans les violences de nos banlieues. La présence prégnante dans ses souvenirs de Camus, Amrouche et quelques autres intellectuels qu’il a fréquentés lorsqu’il était jeune en Algérie, l’incite à plus d’optimisme. Camus lui a fait découvrir l’homme arabe alors que Amrouche, précise-t-il, lui a appris à écrire.

 

Mais voilà qu’au début des années quatre-vingt-dix, quand Jules Roy accomplissait son pèlerinage, les extrémistes musulmans s’étaient dressés contre le pouvoir corrompu et, ensemble, s’étaient livrés à la destruction de ce qui restait du pays après la guerre d’indépendance et les exactions qui en ont découlé. Ce pays, qui était un véritable joyau et devait devenir un état riche, fut vidé de tout ce que l’Occident lui avait apporté, même l’instruction. Ainsi les Islamistes ont-ils ajouté les ruines aux ruines, l’obscurantisme à l’ignorance, la cruauté à la violence. « Pour les imams du FIS, les femmes existent pour fabriquer des futurs chômeurs que Dieu emploiera à tuer ceux qui ne se conforment pas aux préceptes de la religion. » Et, un jour « Dieu montrera qu’Il est puissant et le seul Dieu, et les machines volantes, réduites en monceaux de ferrailles brûlantes avec passagers et pilotes carbonisés, chanteront la gloire du Tout-Puissant. »

 

Un instant tenté par l’OAS afin d’éviter la fracture définitive, Jules Roy a fait le pari de l’humanisme, espérant que Français et Algériens pourront un jour proclamer comme Jean Amrouche, le poète : « La France est l’esprit de mon âme. L’Algérie est l’âme de mon esprit. »

 

Denis BILLAMBOZ

 

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11 octobre 2013 5 11 /10 /octobre /2013 10:32

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Semur, bâti sur un éperon de granit rose au-dessus de la rivière Armançon dans le département de la Côte d'Or, est une petite ville d'un charme fou, sise au coeur d'une campagne vallonnée. Elle mérite d'autant plus le détour qu'elle a toutes les chances d'être un coup de coeur pour le visiteur. Pour moi, il en fut ainsi, je l'ai aimée du premier coup d'oeil et je me plais à  revenir y flâner lorsque mes pas me ramènent vers cette province magnifique : la Bourgogne. Semur surgit soudain devant vous dans l'enceinte de ses remparts ainsi qu'une enluminure médiévale et telle qu'elle était au XIV et XVe siècles, l'une des plus puissantes cités fortifiées du duché. Epousant la boucle de l'Armançon, elle se love dans son méandre avec ses rues étroites, ses places, ses remparts gardés par des tours impressionnantes : celles de l'Orle d'or, de la Gehenne, de la Prison et de Margot qui semblent tenir la ville enlacée entre leurs mains puissantes.
 

 

semur-en-auxois

 

Une ancienne chronique assure que les Semurois sont des gens aimables qui " se plaisent fort en l'accointance des estrangers" et, il est vrai, que la ville se prête à l'affabilité avec ses maisons à pans de bois, ses vastes demeures classiques, ses anciens couvents - car la vie religieuse a profondément marqué la Bourgogne, terre d'églises et de monastères - ses hôtels de magistrats qui offrent au regard leurs porches ouvragés, leurs sculptures figuratives et leurs grilles altières. La marquise du Châtelet, tendre amie de Voltaire, épousa le gouverneur de Semur et habita l'une d'elles. Car Semur est le paradis de deux espèces singulières d'artistes - écrit Jean-Philippe Lecat - les connaisseurs de mobilier et de livres anciens et les cinéastes. Commissaire-priseur, galerie, antiquaire accueillent les premiers - poursuit-il - tandis que les artistes de l'image sont séduits en priorité par le décor. L'âme intacte d'une ville aussi étonnante ne peut manquer de fasciner. C'est ici qu'Yves Robert a tourné "Ni vu, ni connu". Le héros, campé par Louis de Funès, était un braconnier au grand coeur et les libations, auxquelles se livrait cette petite société, commençaient à perdre leur dignité à la cinquième prise. On le comprend  quand on sait combien le vin bourguignon est gouleyant. Il faut s'attarder à Semur, la cité le mérite. Ainsi l'église Notre-Dame frappe par la pureté de ses lignes, son admirable mise au tombeau dans la tradition burgundo-flamande qui se trouve dans le bas-côté gauche et la suite des Vitraux de métiers qui rappelle que les professions du Moyen-Age s'organisaient en confréries religieuses sous la protection d'un saint patron. Progressivement ces confréries devinrent des "métiers", assurant la formation professionnelle et le respect des règles de qualité. Les vitraux de Semur datent du XVe siècle, une époque conquérante et joyeuse et leur intérêt documentaire est d'autant plus remarquable qu'il évoque opportunément la vigueur de l'industrie urbaine dans la Bourgogne médiévale.

 


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L'Auxois était riche alors et, au cours des siècles, un équilibre intelligent fut maintenu qui s'appuyait essentiellement sur l'élevage, l'agriculture et un artisanat brillant et diversifié composé de forges et de tissages, tissage à partir de la laine des troupeaux de moutons des abbayes et des communautés rurales. Oui, Semur-en-Auxois continue de sourire,  penché au-dessus du miroir formé par l'Armançon, dans son parfait décor de haies vives et de prairies closes.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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7 septembre 2013 6 07 /09 /septembre /2013 08:04
Rocamadour, la roche enchantée

 

Accroché au flanc de la montagne, défiant les lois naturelles de l'équilibre, Rocamadour s'érige au-dessus d'un val ténébreux en plein coeur du Périgord, Périgord qui offre, depuis la nuit des temps, un environnement verdoyant et minéral et voit, de la grotte de Lascaux aux coupoles byzantines de Saint-Front, l'art sacré s'y déployer avec une rare magnificence. Lieu de pèlerinage, Rocamadour était considéré à l'époque médiévale comme l'un des quatre grands pèlerinages de la chrétienté avec Jérusalem, Rome et Saint-Jacques de Compostelle. Ainsi Notre-Dame de Rocamadour a-t-elle vu s'incliner devant elle de nombreuses têtes couronnées depuis Saint Louis qui vint ici l'implorer de combler la France de grâces. Mais pourquoi un tel succès dans ce désert de pierre à l'écart des grandes routes et pourquoi tant de passion pour une modeste vierge noire en bois de noyer ? La réponse est de l'ordre du mystère, c'est ainsi, le lieu possède sa propre magie, car ni source miraculeuse, ni apparition, ni relique n'expliquent ce phénomène, tout juste déterre-t-on en 1166 un corps bien conservé que l'on attribue d'emblée à saint Amadour.


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Parvenus à l'Hospitalet,  au pied de la roche, les pèlerins voyaient enfin le terme de leur long voyage. La littérature hagiographique est emplie de ces pèlerins perpétuels, de ces marcheurs infatigables qui cheminaient de sanctuaire en sanctuaire et peuplaient les routes de France à une époque - le Moyen-Age - qu'à tort on supposait volontiers statique. Ces hommes et femmes se déplaçaient le plus souvent en groupe, avec un guide, parfois une escorte armée s'ils en avaient les moyens. Ils suivaient des itinéraires connus, jalonnés de monastères et de couvents qui leur offraient l'hospitalité, car chacun d'eux s'exposait alors aux loups, aux brigands, aux épidémies, aux famines et aux risques météorologiques. Quant au franchissement des fleuves, ce n'était pas non plus une mince affaire. Il arrivait aussi que, dans les auberges, on vous détroussât, que l'on vous offrît du vin frelaté, des femmes louches, si bien  que certains récits relèvent  du conte exotique. 


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A Rocamadour, le rituel était de gravir à genoux le grand escalier qui mène à la statue de Notre-Dame et au parvis des chapelles inondé de lumière, d'où la vue panoramique est à elle seule une récompense. Car à genoux ou non, il faut bien gravir les marches et, partant de l'ombre épaisse d'en bas, avoir comme gratification cette lumière souvent dorée qui embrase le paysage d'en haut. De nos jours, Rocamadour entend renouer avec cette tradition millénaire de foi populaire. Le souhait de son prêtre est de donner à voir aux nombreux touristes profanes le sacré en acte. Ou, comme disait Ignace de Loyola, qui vint ici : "Mettre la créature en contact avec le Créateur". Ainsi a-t-on restauré les différents offices de la journée, les processions, les chemins de croix, afin de proposer à ceux qui le désirent une totale immersion dans l'univers religieux. Le temps semble suspendu sur cette roche enchantée qui défie les siècles et où Francis Poulenc a recouvré la foi. Avec lui, la musique sacrée est de retour sur l'orgue nouvellement restauré, dont le buffet présente un décor marin, témoignage de la dévotion des gens de la mer à la Vierge de Rocamadour. Aujourd'hui, comme hier, le lieu suscite toujours l'admiration et son rayonnement est tel que les historiens ont décelé sa trace un peu partout dans le monde. Entre ciel et terre, Rocamadour reste à jamais un cap, un promontoire serti comme un témoin précieux dans la longue épopée des hommes.
 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
 

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4 septembre 2013 3 04 /09 /septembre /2013 08:58
Le coeur cousu de Carole Martinez

 

Difficile de résumer "Le coeur cousu" de Carole Martinez tant le merveilleux et le réel sont étroitement liés dans un roman qui nous conte la vie d'une femme Frasquita et de ses cinq filles qui, de génération en génération, se transmettent une boîte à secrets et des dons de magie. Le style est magnifique, les couleurs flamboyantes et il y a là des passages d'une suffocante beauté qui ne peuvent laisser le lecteur indifférent, même si l'ouvrage souffre d'une trame trop lâche, d'une action insuffisamment resserrée qui part un peu dans tous les sens et de longueurs qui auraient pu être évitées. Frasquita, qui sait broder mais aussi repriser les visages et les coeurs des hommes, est considérée comme une sorcière et sera bientôt jouée et perdue lors d'un combat de coqs par le père de ses enfants, puis condamnée à l'errance à travers une Andalousie que les révoltes paysannes mettent à feu et à sang.

 

"Et ses mains, vous ai-je jamais parlé de ses mains ? Les mains des conteuses sont des fleurs agitées par le souffle chaud du rêve, elles se balancent en haut de leurs longues tiges souples, fanent, se dressent, refleurissent dans le sable à la première averse, à la première larme, et projettent leurs ombres géantes dans des ciels plus sombres encore, si bien qu'ils paraissent s'éclairer, éventrés par ces mains, par ces fleurs, par ces mots."

 

Avec sa caravane d'enfants dotés eux aussi de dons surnaturels et sa charrette à bras, Frasquita finira par se poser et mourir en Algérie dans un total dénuement. Une histoire de transmission et d'héritage qui vous fait passer par les sentiments les plus complexes, les paysages les plus divers, les lumières les plus violentes, les parfums les plus enivrants, les âmes les plus blessées, en un chant intérieur servi par une prose puissante et sans cesse évocatrice. Sorte d'épopée baroque et sensuelle, on pense bien sûr à "Cent ans de solitude" de Garcia Marquez, mais la plume de Carole Martinez s'impose par son originalité et un imaginaire qui ne cesse de nous apostropher, même s'il faut souvent revenir en arrière pour  suivre un action trop ...décousue. Par ailleurs, la fin reste sombre car ces femmes ne parviennent pas à échapper à leur destin.

 

Nul doute cependant, nous sommes en présence d'un vrai talent, d'une plume riche et  poétique qui ouvre des horizons étonnants, des perspectives féeriques au charme incontestable. Pour un premier roman, cela tient du prodige et on ne peut que saluer un auteur paré de dons si évidents. "Le coeur cousu" est un beau livre qui  a déjà enchanté un large public grâce à son  immersion dans un merveilleux qui nous manque tellement aujourd'hui mais qui aurait gagné à plus de rigueur dans sa composition.

 

"Le coeur cousu" Carole Martinez - Gallimard et Folio

 

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28 août 2013 3 28 /08 /août /2013 09:54

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Le phénomène pèlerin frappe dès l'abord par son caractère universel. On pèlerine depuis la nuit des temps et si l'on cherche un peu nous trouvons des traces de pèlerinage dès le IIe millénaire av. J.C., en Crète notamment. La nécessité de s'attirer la bienveillance des dieux incitait les communautés paysannes à s'égrener dans la campagne le long d'itinéraires immuables. Plus tard, il y eut les rassemblements celtiques de la forêt des Carnutes, ceux de Delphes et Délos où l'on honorait Apollon, de Dodone où l'on rendait un oracle de Zeus, enfin d'Epidaure où les malades suppliaient Asclépios de les guérir. Le Christianisme latin perpétuera cette tradition avec les pèlerinages de Terre sainte, de Rome et de Saint-Jacques-de-Compostelle. Et heureuse coïncidence, l'âge d'or du pèlerinage de Compostelle aux XIe et XIIe siècles se confondra avec l'apogée de l'art roman. Ce sera ainsi tout au long de cette route, se déroulant comme les boules d'une chapelet, des édifices admirables comme Notre-Dame du Puy et sa Vierge noire, Sainte-Foy de Conques, Saint-Pierre de Moissac auxquels on peut ajouter Notre-Dame de Rocamadour en moyennant un détour, ce, dans une commune vision spirituelle qui s'est toujours adaptée au génie propre des lieux.

 

Tombé en désuétude au XIXe siècle, celui de Compostelle connait depuis une trentaine d'années une renaissance spectaculaire, attirant des foules de plus en plus nombreuses et représentant pour chacun de ceux qui l'emprunte une véritable rupture avec la modernité, questionnement d'abord, réponse probable à une attente profonde que le monde contemporain ne parvient plus à satisfaire. A l'heure où la mondialisation est vécue comme une uniformisation inquiétante, ce pèlerinage permet de redécouvrir un patrimoine exceptionnel et de se ré-approprier sa propre histoire, en réponse à la fameuse injonction : Deviens ce que tu es ! Ce sont de telles motivations qui ont incité Jean-Christophe Rufin, médecin, romancier, ancien ambassadeur et académicien à s'engager un jour, sac au dos, sur les 850 km qui séparent Hendaye de la place del Obradoiro.

 

Dans  "Immortelle randonnée - Compostelle malgré moi", grand succès de librairie, l'écrivain retrace ce que fut pour lui ce pèlerinage, quelles furent ses motivations, pour quelle raison profonde il a souhaité emprunter le Camino del Norte et qu'est-ce qui distingue pour lui la route du Chemin qu'il écrit avec une majuscule. La majuscule, répond-t-il, transforme ce nom commun en nom propre, celui d'une personne et c'est ainsi que je le conçois, une route ne mène nulle part et partout, le chemin est un vecteur, il comporte un début et une fin, même si le point d'arrivée ne constitue pas une fin en soi. L'idée première est  celle du dépouillement, pour ne pas dire dénuement, une façon de se désencombrer, de s'alléger le plus possible, de se délivrer d'une accumulation d'honneurs qui commençaient à sentir le sapin.La peur aussi de s'installer, de s'enliser dans des routines qui vous emprisonnent progressivement et, ainsi, repartir à zéro et inscrire les choses dans un temps qui soit celui de la renaissance. Néanmoins, et l'auteur insiste sur ce point, vous ne faites que quitter le domaine du rêve pour entrer dans celui de la réalité. Dès lors, le Chemin apparaît pour ce qu'il est : un chemin, voilà tout. Il monte, il descend, il donne soif, il est bien ou mal indiqué. Ce n'est plus qu'un long ruban d'efforts qui se déroule à travers un paysage abimé par la modernité, jalonné de banlieues grises et d'autoroutes bitumées.

 

Mais une fois passée cette phase de désenchantement, Rufin nous rappelle que le pèlerinage n'est pas un phénomène univoque. A l'heure de l'uniformisation, chacun s'y épanouit individuellement. D'autre part, sans l'humour, le pèlerinage aurait quelque chose de fastidieux. Tout au contraire, celui-ci prédispose à l'aventure et au rire. Ce sont en permanence des surprises que l'auteur découvre d'un oeil amusé et nous fait partager joyeusement. La solitude lui était néanmoins nécessaire afin d'éviter le côté randonnée. C'est la raison qui lui a fait choisir le chemin du Nord, le moins fréquenté, celui qui longe l'Atlantique. La solitude y est plus grande et on s'y imprègne davantage du nouvel état d'errance et de dénuement que souhaitait Jean-Chistophe Rufin. Ainsi devient-on plus sensible aux autres, à la nature, aux forces spirituelles. On y apprend l'attente et la patience, qualités qui manquent le plus à notre société. Par ailleurs, le Chemin efface la rigide enveloppe qui entoure les choses et les sépare de notre conscience. La grande leçon du pèlerinage, c'est le travail du temps sur nous, écrit l'auteur. Il faut que cela passe par le corps, par le tamis du temps, ce qui me fait dire que le Chemin est une alchimie du temps sur l'âme. Mais ce n'est pas un chemin de Damas. Le pèlerinage ne m'a pas converti, le Chemin ne vous donne pas la foi, il la révèle ou l'épanouit, il ne l'impose pas.

 

Au départ, je n'imaginais pas coucher sur le papier cette expérience, avoue l'écrivain. Il ne s'agit pas d'un livre confessionnel, je ne prêche pour aucune paroisse. Je décris simplement le pèlerinage à travers une approche existentielle et phénoménologique. A partir de là, tout le monde peut s'identifier. Ce qui ressort de cette aventure, c'est que l'on élimine beaucoup d'objets, de projets, de contraintes. On s'allège de manière à pouvoir porter avec soi la mochila ( le sac à dos ) de son existence. Telle est la philosophie qu'il faut retenir de cette " immortelle randonnée " : choisir de rester en compagnie de soi-même.

 

* Immortelle randonnée - Compostelle malgré moi de Jean-Chistophe RUFIN  Ed. Guérin - 272 pages - 19,50 euros

 

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5 août 2013 1 05 /08 /août /2013 08:04

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Nous avons parcouru le monde à travers les livres pendant près de deux ans, je vous propose aujourd’hui de partir à la découverte de textes souvent méconnus malgré leur grande qualité. Chaque semaine, je vous présenterai donc une lecture récente ou ancienne, peu importe les effets de mode, d’un auteur français ou étranger. Comme la littérature n’a pas de frontière, le talent non plus, je me laisserai guider par le seul talent des auteurs que je rencontre au hasard de mes vagabondages dans le monde des livres. Et pour commencer cette rubrique, j’aimerais vous proposer ma lecture du dernier livre d’Armelle qui mériterait un grand succès de librairie car c’est un très beau texte, d’une grande qualité littéraire et une belle histoire.
 

 

Le jardin d’incertitude

Armelle Barguillet Hauteloire

 

Ce  texte, au début, policé, académique, lisse, fluide, à peine vieilli, comme un vieux livre qu’on relit à la manière dont on réécoute un ancien vinyle adulé bien des années auparavant, prend progressivement un ton plus ferme, plus dur, balançant même entre cynisme et désillusion. Mais c’est, avant tout, à mon avis, un livre, non pas testament car il y en aura certainement d’autres sous la plume d’Armelle Barguillet, mais tout de même un livre bilan qui pourrait révéler en filigrane quelque douleur mal éteinte ou des plaies pas totalement cicatrisées. Un récit qui laisse apparaître une certaine dose d’amertume vis-à-vis de l’humanité trop pragmatique, pas assez affectueuse, pas assez généreuse, pas assez désintéressée, et même une pointe d’aigreur et un peu de déception. Un texte d’un réalisme presque froid montrant les limites des espérances juvéniles qui se brisent inéluctablement sur les travers de l’humanité. Je sais que ce livre a connu une première ébauche il y a déjà bien des années et je suppose que le changement de ton peut être imputé au temps qui s’est écoulé entre le début et la fin de la rédaction de ce roman.

 

Sur les bords de la Loire, dans son manoir décrépi, Anne-Clémence, une jeune femme qui a vu les siens partir ou disparaître, écrit ses souvenirs : son enfance avec ses parents et sa grand-mère entouré d’une importante maisonnée, son départ à Paris, ses études, son premier amour, son mariage, sa volonté, ses espoirs, l’échec de ce mariage… Elle décrit un monde, comme celui de Proust, qui tire vers sa fin, une société en voie de disparition, une aristocratie qui passe la main à la bourgeoisie enrichie dans les affaires. Pendant ma lecture, à un certain moment, encore vers le début, je lisais tranquillement sans me préoccuper réellement de l’auteur mais plutôt du texte, quand j’ai eu comme l’impression d’être à Combray, ou dans Combray dont je lis parfois quelques pages avant de m’endormir. J’ai ressenti cette même douce nostalgie, cette même musique dans le texte, cette atmosphère à la fois familiale et campagnarde. Armelle ne peut pas dissimuler son admiration pour le maître, elle est écrite dans le marbre du texte.

 

Anne-Clémence explore son arbre généalogique où elle ne trouve pas que de la tendresse, elle y rencontre aussi de la dureté et même parfois un peu de cruauté. Un arbre généalogique double : celui de l’état civil et celui qui se construit dans les draps où ailleurs où les corps peuvent s’unir au risque de procréer ; Armelle n’hésite pas à soulever la couette pour exhiber toutes les turpitudes qui animent la vie et gouvernent souvent le monde.

 

Avec son écriture  fluide et souple coulant comme un frais ruisseau normand charriant  des mots que nous avons presque oubliés, des mots goûteux, gourmands, qu’on déguste avec un grand plaisir tant le vocabulaire est riche, Armelle raconte la fin de cette société campagnarde, l’avènement d’un monde nouveau où les jeunes femmes comme Anne-Clémence ont bien des difficultés à trouver leur place. Elle a aussi un art consommé du portrait, de l’analyse psychologique et un vrai talent pour évoquer la sensibilité aussi bien que les émois de la chair. Toutes les qualités nécessaires pour dessiner le parcours initiatique d’une jeune fille née d’une famille qui avait vécu plus pour les apparences de son rang que pour ce qu’elle était réellement. Je n'aurais pas cru qu’Armelle aurait tant d'audace dans certaines évocations et qu’elle aborderait les sujets essentiels de l'existence avec une telle franchise et une telle lucidité. J'ai pensé à certains moments à DH Lawrence quand elle parle de cette femme libre qui assume totalement sa vie et ses désirs - très beau personnage - comme Constance Chatterley. Elle a bien fait de laisser mûrir ce livre qui n'aurait peut-être pas eu la même dimension il y a dix ou quinze ans, on sent bien tout ce que la vie lui a apporté - des joies et des épreuves - toutes ses déceptions, ses désillusions mais aussi ce refus de se résigner, cette volonté de repartir au combat en faisant table rase du passé.

 

Armelle a bien compris ce que d’autres comme moi pourraient objecter après la lecture de ce roman, aussi a-t-elle pris les devant pour désamorcer les critiques : « Certes, je veux bien admettre que tout a déjà été conté, des bonheurs et malheurs de l’homme, de ses amours et de ses désamours, des guerres et de leurs conséquences, mais je crois que nous sommes arrivés à la fin d’un monde ou d’une civilisation et que chaque moribond est en droit d’être veillé ». Alors veillons en cherchant quelques certitudes dans ce jardin où le vice fleurit hélas mieux que la vertu.

 

Denis BILLAMBOZ

 

Pour se procurer l'ouvrage, cliquer   ICI

 

Et pour consulter la liste des articles de la rubrique "Les coups de coeur de Denis", cliquer    ICI

 


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16 juillet 2013 2 16 /07 /juillet /2013 08:18

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Texte et photos d'Yves BARGUILLET

 

Dimanche 26 juillet 2009 :

 

Il y a longtemps que je rêvais de visiter ces îles et le grand jour est enfin arrivé : il est 10h lorsque nous appareillons ; le vent  est de secteur sud-sud -ouest,  force 5 à 6,  la mer agitée, le baromètre à 1009 -  nous filons à 7 nœuds de moyenne sous les grains et les vagues bien formées. Grand voile et 2 ris, creux de 2m5O à 3m, la seule compagnie que nous ayons est celle des pétrels qui tournent autour de notre mât. Puis de temps en temps, les majestueux et  fiers ganetts  ( fous de bassan )  plongent assez loin de notre navire n’y jetant qu’un regard discret.  La journée suit son cours, puis la nuit au rythme des quarts, cependant quelques trouées d’étoiles entre les nuages sombres qui gravitent dans le ciel, alternance de grains et de vent mais, par chance, le gros de la dépression est derrière nous. Michel et moi laissons la barre à 6h du matin, nous approchons des îles,  car les différents phares de l’archipel projettent  leur pinceau blanc et lumineux de tous côtés.

 

Ce lundi 27 juillet 2009 -

 

A 7h, Tresco est en vue, le jour s’est levé. Arrivés au mouillage, nous aurons parcouru en vingt et une  heure, 159 miles soit 7.57 nœuds de moyenne - divers rangements,  petit déjeuner copieux pour tout le monde,  le ciel se dégage maintenant, le soleil veut bien nous gratifier de sa présence entre les cumulus blancs tellement plus sympathiques que les  énormes  grains noirs et gris qui accompagnaient jusqu’alors notre route. Nous sommes ravis d’arriver à cette escale que nous apprécions après l’effort. Déjeuner, puis, vers 14h30, Pascal nous débarque avec l’annexe à la cale de vieux granit et, sacs au dos, nous allons explorer les sentiers et les landes. Toutes les sentes  offrent un panorama sublime sur les îles avoisinantes. Le ciel dégagé  fait ressortir le bleu émeraude de la mer et l’or des plages qui festonnent les échancrures rocheuses.  Michel, Benoît et Catherine m’accompagnent pour commencer la visite du magnifique et surprenant jardin exotique, où la végétation tropicale surprend, le passage du golf-stream y est pour quelque chose.  Après  la séance photo obligatoire, nous poursuivons notre promenade par les pistes  qui bordent les sables blancs tranchant avec le bleu turquoise de l’eau. Puis nous  grimpons vers la lande enluminée de bruyère mauve et d’ajoncs d’or, délimitée par des vallons souples et verdoyants où ondoient de vertes fougères. Nous visitons une église autour de laquelle un cimetière  nous offre  ses  tombes de granit  et la ciselure  des croix celtiques.  Passage à la tour Cromwell, puis nous redescendons vers le port  afin de regagner le Pub bien dissimulé  parmi les agapantes et les aloès du Mexique. Nous prenons une allée de fuchsias  géants qui déploient leurs jolies clochettes d’un rose délicat, un vrai enivrement de fleurs. Nous retrouvons Olivier et Pascal  pour nous désaltérer d’une bonne pinte de bière.  Puis à 2Oh3O, retour à bord pour une soirée amicale.

 

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Au réveil ce MARDI 28 juillet 2009 -

 

Nous levons l’ancre pour nous rendre à Sainte-Marys. Le ciel est redevenu gris, clapoteux, un  vent d’ouest qui ne nous assure guère d’une une baie abritée. En effet le mouillage est assez rouleur, mais bien amarré sur le coffre nous ferons avec. Nous déjeunons à bord puis à 14h30 Pascal nous débarque au quai en direction des douches. Showers, showers, doublement, puisque  les grains et averses  nous déversent du ciel une pluie pénétrante. Au retour, sur la digue, nous avons en face de nous le célèbre pub the mermaid. Catherine décide de partir se balader sous la pluie, le reste de l’équipe vient s’abriter au Pub pour avaler une bière en attendant l’éclaircie, qui n’arrive que vers 16h30. Nous décidons alors de prendre les chemins de lande au- dessus du village et de faire le tour de l’île. Malgré  la luminosité pâle car encore imprégnée de pluie, le paysage est grandiose, enlacé par les murailles de pierre qui longent cette côte aride, tandis qu’à chaque pointe avancée, sous les fortifications crénelées, s’épand  une pelouse tondue à l’anglaise  sur  laquelle les canons des siècles passés pointent encore leurs affûts vers le large,  comme des chiens de garde pour prévenir l’approche des rares vaisseaux qui osaient s’aventurer  dans les parages. Il fallait en effet avoir une sacrée soif d’aventure pour oser franchir ces courants violents, ces échancrures rocheuses et affronter les tempêtes impitoyables qui brisèrent tant de navires à une époque où la navigation et les cartes étaient encore imprécises. Nous rentrons au village vers I9 h, le bleu du ciel veut bien  colorer à nouveau la mer entre de gros cumulus blancs. Pascal nous a rejoints et l’équipage au complet  prend sa traditionnelle pinte au Mermaid. - dernière  soirée à bord  avant notre retour vers les côtes Françaises.

 

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Il est IOh ce MERCREDI 29 JUILLET  lorsque  nous contournons Ste Marys. Cap au 130° - pas de vent moteur, moteur - Lorsque nous prenons le quart avec Michel de 9h00 à 12h00, le ciel déverse son déluge sur 360°, nous sommes déjà au large, les voiles sont  déployées, peu à peu  les vagues sont plus étalées et il semble que cette pluie apaise la force du vent  pour un retour à force 4.5.- Nous rentrons nous changer, trempés jusqu’aux os et apprécions de casser une petite croûte bien au chaud, dans le carré. Catherine et Benoît nous relaient, dans l’après-midi les éclaircies reviennent par l’ouest pour nous offrir un soleil timide en fin de journée. La nuit voit revenir des trouées d’étoiles et l’air est moins vif. La douceur peu à peu fait place à l’humidité.

 

JEUDI 3O JUILLET 2OO9 -

 

Nous avons avalé des milles, le ciel est clair et dégagé, l’air nettement plus tiède, au petit matin nous approchons des Roches Douvres et voyons déjà les éclats blancs des phares de la côte bretonne.  La journée s’annonce belle, les trains de vagues sont plus longs et notre allure portante à la limite du vent arrière, nous voit tout au long de la journée  empanner pour nous retrouver sur la bonne route en direction de l’Ile Chausey, destination que nous avons choisie pour finir la soirée sur ce caillou qui nous est familier. A 18h, nous entrons dans le  calme du  s o u n d,  prise de coffre derrière un vieux gréement malouin d’où émane une bonne odeur de ratatouille, qui nous ouvre l’appétit - mais pour l’heure nous préférons mettre l’annexe à l’eau, direction de la cale, et visite de l’île pour quelques prises de vues à ne pas manquer. Chausey toujours égale à elle-même ; il semble ici que le temps se soit arrêté, l’on comprend  pourquoi le grand peintre de marine que fût Marin-Marie y posa souvent son chevalet et y ancra son voilier. Car il fut un excellent marin. Si le climat dans ces anglo-normandes est  capricieux et changeant, cela n’enlève en rien le charme indéfinissable de l’archipel où aucune île n’est semblable aux autres. Ici se mêlent douceur et âpreté, des lumières incomparables surplombant les méandres de roches et de courants violents.

Après  notre traditionnel  verre de l’amitié dans l’unique hôtel de l’île, nous regagnons le bord sur un lac tranquille aux teintes mordorées. Copieux repas et vers 22h, nous mettons au moteur le cap sur GRANVILLE,  guidés par le phare blanc du vieux port Normand.

 

Il est presque 01h00 du matin ce VENDREDI 31 JUILLET 2OO9  lorsque nous accostons au ponton du gaz-oïl faute de mieux car la marina est pleine comme un œuf et la place normalement réservée à ETACHON est occupée. Bien amarrés, demain sera un autre jour et tout le monde plonge dans les duvets pour cette ultime nuit à bord.

Il fait beau ce vendredi matin et, comme convenu, nous nous mettons au travail pour  briquer, astiquer, laver, nettoyer, ranger et faire en sorte que  notre unité soit belle et présentable. Sacs parés en rangés, à 12h30 avec Pascal et Marie tout l’équipage se rend au restaurant de l’embarcadère  où le patron nous a retenu une table sous les parasols  au soleil, afin de partager  amicalement  le dernier repas d’une croisière que tout le monde se plaît à dire réussie.

 Je dirais que c’est  en mer que l’on trouve l’énergie, c’est dans l’effort que l’on trouve la récompense que nous offrent ces îles que l’on aime.

Pour prendre connaissance de la première partie de cette croisière,  cliquer sur le lien ci-dessous :

 

 

Balade irlandaise


 

Et autres récits de croisière :
 

La première Manche

Les îles ou le rêve toujours recommencé

La Russie au fil de l'eau, de Moscou à Saint-Pétersbourg

Croisière en Croatie et au Monténégro

Lettre océane - les Antilles à la voile

Les Grenadines à la voile

 

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12 juillet 2013 5 12 /07 /juillet /2013 08:58

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Nous savons que l’atome, si petit soit-il, n’est pas le plus petit corpuscule connu. Il comprend un noyau entouré d’électrons extrêmement petits qui pirouettent autour du noyau et sont insécables (qu’on ne peut couper).

De son côté, le noyau est composé de protons et de neutrons qui sont eux-mêmes des agglomérats de quarks. On représente souvent l’atome comme ceci, bien qu’il s’agisse d’une image fictive car on n’a jamais vu l’atome : 

Dans cette illustration de l’atome, les billes rouges et bleues représentent le noyau, composé de protons (billes rouges) et de neutrons (billes bleues). Les électrons sont les boules noires.

 


 

Toute la matière connue est faite d’atomes : votre table d’ordinateur, la petite fleur que vous y avez mise, votre chat qui vient se frôler sur votre jambe, le soleil dont les rayons entrent par votre fenêtre, les étoiles qui enchantent vos nuits, vous, moi, tout est atomes.

Mais ce qui est étonnant, c’est que les atomes sont surtout faits de vide. Si, comme le disait récemment un de mes amis physiciens, on se représentait le noyau de l’atome comme la pointe d’une aiguille, la taille de l’atome correspondrait au volume de la pièce dans laquelle vous êtes assis à votre ordinateur. Donc un noyau de la taille d’une pointe d’aiguille (qui, incidemment, contient 99,98% de la masse de l’atome) perdue dans l’immensité d’une pièce et tout le reste est un vide sillonné par de minuscules électrons (qui ne représentent que 0,02% de la masse de l’atome, aussi bien dire presque rien). Bizarre n’est-ce pas, de penser que nous sommes faits essentiellement de vide ! (Je vous entends marmonner que, dans mon cas, ça ne vous étonne pas).

Plus étonnant encore est le fait que les lois physiques habituelles, celles qui ont été énoncées particulièrement par le grand Isaac Newton et qui régissent notre comportement quotidien (comme, par exemple, la loi de la gravitation universelle qui vous garde les pieds collés au sol et permet d'interpréter aussi bien la chute des corps que le mouvement de la Lune autour de la Terre), deviennent négligeables sinon inapplicables dans le monde de l'extrêmement petit. Dans ce monde, ce sont d’autres lois qui prennent le devant de la scène : les lois de ce qu’on appelle la mécanique quantique. Cette mécanique décrit le comportement des atomes et des particules qui les composent.

Avec la théorie de la relativité d’Einstein, la mécanique quantique aura été la théorie scientifique la plus révolutionnaire du XXe siècle. Elle nous permet d'accéder au monde de l'extrêmement petit peuplé d'atomes, de photons, de neutrinos, de quarks et autres particules aux noms exotiques. C'est un monde bizarre et déroutant qui semble défier la logique et le bon sens. Pourtant, la théorie quantique a fait ses preuves, puisqu'elle est à l'origine des progrès technologiques fantastiques de notre époque : l'électronique, ses transistors, ses semi-conducteurs, le laser, etc.

Jusque vers les années 1920, on croyait bien connaître la nature de la matière et être en mesure de percer graduellement tous les secrets de l’univers. On prenait pour acquis que si l’on connaissait tous les ingrédients d’un problème, on pouvait le résoudre. Le monde était désormais sans mystères et, peu à peu, on arriverait à tout expliquer.

Le hasard n’avait aucune place dans cet univers déterministe où la raison régnait en maîtresse. Mais voilà que la mécanique quantique vient jeter une pierre dans cet étang de certitude : au niveau de l'extrêmement petit, le monde n'est plus ordonné, déterministe, comme dans notre quotidien. Il devient incertain et soumis au hasard. Le monde scientifique perd pied.

Cette mécanique nous ouvre les yeux sur de bien étranges mystères, particulièrement sur le fait que l’on ne peut plus prédire avec exactitude le comportement des particules mais qu’il faut se contenter de probabilités.

Je m’explique : si je m’installe sur le bord du trottoir et que je regarde une automobile passer devant moi, je peux évidemment situer exactement où se trouve cette automobile et, si j’ai en mains un radar, je peux, simultanément, connaître exactement sa vitesse. Eh bien, dans le monde quantique, rien ne va plus : si j’arrive à localiser un électron, je ne suis plus capable d’établir simultanément sa vitesse de déplacement.

Inversement, si j’établis cette vitesse, je ne sais plus avec exactitude où se trouve ce cachottier d’électron. Je dois me contenter de le situer approximativement. C’est ce que Heisenberg a appelé «le principe d’incertitude». Un sacrilège qui a ébranlé les fondements de la physique classique où l’on ne jurait que sur l’autel de la certitude.

Vous n’y comprenez rien à cette mécanique quantique? Eh bien, vous êtes sur la bonne voie : il n’y a rien à comprendre. « Je pense que je peux dire sans grande crainte de me tromper que personne ne comprend la mécanique quantique », disait le grand physicien Richard Feynman.

Mais il y a encore plus étrange dans ce monde de l'extrêmement petit : des particules qui naissent de rien et disparaissent en un éclair, comme le dit Pierre Yves Morvan :

 

«…pendant des temps très courts, le principe de conservation de l’énergie peut être violé. Ce principe dit en effet qu’on a rien pour rien, que tout se paie, ou encore qu’on ne peut avoir à la fois le beurre et l’argent du beurre. C’est déjà ce que disaient à leur manière Empédocle et Lavoisier : «Rien ne se perd, rien ne se crée».

Pourtant, les relations d’Heisenberg permettent que des couples particule/antiparticule apparaissent de rien et existent pendant un certain temps.

C’est dire que des particules naissent d’un coup de baguette quantique et entrent, sans aucune invitation dans le grand bal de l’être.»

 

 

Puis, on est incapable de calculer à quel moment un neutron disparaîtra : sa disparition est laissée au pur hasard. Lavoisier se retourne dans sa tombe.

Einstein a combattu toute sa vie la physique quantique, vainement. Il n’arrivait pas à admettre que, au niveau de l’infiniment petit, le comportement des particules soit laissé au hasard. D’où, sa célèbre phrase : «Dieu ne joue pas aux dés». Ce à quoi, son adversaire et pourtant ami, Niels Bohr, lui répondait : «Qui êtes-vous, Einstein, pour dire à Dieu ce qu’il doit faire?»

D’autre part, on ne sait plus ce qu’est véritablement la matière. Si, par exemple, on examine la trace qu’un électron laisse sur une plaque métallique, on décèle une particule. Si on lui tourne le dos, il se comporte comme une onde. Certains avancent même une «théorie des cordes» où l’atome ne serait pas un corpuscule mais serait fait de vibrations ??? Qui donc est-il véritablement ? J’aime bien à cet égard rappeler les mots de l’astrophysicien James Dean qui disait que l’univers ressemble parfois plus à une grande pensée qu’à une grande machine.

On peut donc dire que, au niveau de l’extrêmement petit, la réalité nous échappe. Le monde des déterministes, qui s’acheminait vers un monde sans mystère, devient soudain un monde opaque où règnent des fantômes.

 

 

Nous avons vu que la matière est constituée d’atomes qui sont les pièces d’un immense meccano que l’on peut combiner de diverses façons pour fabriquer tantôt une maison, tantôt un cheval et tantôt nous-mêmes. Nous avons aussi vu que l’atome comporte un noyau composé de protons et de neutrons et autour duquel tournoient des électrons. Dès lors, nous nous sommes demandé si nous étions enfin arrivés à l’ultime réalité des choses, aux plus petites particules imaginables.

Eh bien, non : protons et neutrons sont eux-mêmes composés de quarks ! Ici, nous voilà parvenus dans le très, très petit. Ne pourrait-on pas en rester là ?

Les physiciens sont des gens extrêmement curieux et fouineurs, vous savez. Comme tous les scientifiques du reste. Alors ils ont «patenté» un immense machin pour gratter encore plus creux dans le cœur de la matière. Ils ont installé leur nouveau jouet dans un tunnel de 27 kilomètres de circonférence logé à 100 mètres sous terre et chevauchant la frontière entre la France et la Suisse. Il s’agit d’un collisionneur de particules baptisé le LHC (Large Hadron Collider).

Ils ont entrepris de projeter dans ce collisionneur des protons qu’ils accéléreront graduellement jusqu’à des vitesses proches de celle de la lumière (on se souvient que la lumière circule à 300 000km par seconde). Leur but est de faire entrer en collision ces petites particules pour les faire éclater et, possiblement, faire ainsi surgir des particules encore plus petites et totalement inconnues.

Ils espèrent du même coup éclaircir d’autres mystères, particulièrement recréer des conditions semblables à celles qui prévalaient au moment du Big Bang et découvrir la nature de la matière noire (qui, avec l’énergie noire, compte pour 96% du contenu de l’univers dont nous ignorons totalement la nature). Ce ne seraient pas de minces coups d’éclat.

Pour des images de ce nouveau jouet, il suffit de se rendre sur Internet et de «pitonner» le mot LHC.

Les résultats qu’on obtiendra du LHC, si extraordinaires puissent-ils être, constitueront-ils le fin du fin des mystères de notre Univers ? Rien n’est aussi peu sûr car les scientifiques nous disent que plus on creuse dans le cœur de notre Univers, plus le mystère s’épaissit.

En avant-goût de notre prochaine capsule, rappelons les mots de l’astrophysicien James Jean qui disait que notre Univers ressemble plus parfois à une grande pensée qu’à une grande machine.

La première question que j’aborderai est donc la matière : de quoi est faite la matière ? Tu parles d’une question, me direz-vous, la matière est la matière, ne cherchons pas midi à quatorze heures !

Bon, reprenons la question autrement :



-De quoi est faite la table sur laquelle est posé votre ordinateur ?
-De bois, dites-vous ? 
-Très bien. 
-Et de quelle sorte de bois ?
-De pin. 
-Parfait. Nous savons donc que votre table a été fabriquée avec un matériau qui est du pin. Et ce pin, d’où vient-il ? 
-De la forêt où il a poussé. 
-Et comment s’y est-il pris pour pousser ? 
-Eh bien, une graine s’est sans doute échappée d’une cocotte de pin et a germé à proximité de son pin géniteur. 
-Bien. Maintenant, poussons plus loin notre enquête : comment une toute petite graine de pin a-t-elle pu générer l’immense arbre qu’on a coupé et façonné pour en faire votre table d’ordinateur ?
-Sans doute parce que la petite graine de pin a su puiser dans le sol et dans l’air les nutriments nécessaires à sa croissance.

 


-Voilà qui est bien dit. Mais par quelle opération magique, ces nutriments (oxygène, calcium, fer, etc.) ont-ils pu devenir arbre ? Je ne peux pas transformer mon stylo en torche électrique, n’est-ce pas ? À moins d’être un excellent magicien ou un thaumaturge comme Jésus-Christ qui, à ce qu’on dit, pouvait transformer l’eau en vin. Alors comment ces nutriments peuvent-ils devenir arbre ?


- ???


-Ce n’est pas d’hier que l’homme se pose ce genre de questions. Déjà, dans l’Antiquité, les philosophes grecs (Parménide, Platon, Aristote, Empédocle, Anaxagore, etc.) se posaient la question : comment l’herbe que mange le lapin peut-elle devenir lapin ? C’est finalement Démocrite qui a trouvé la réponse : tout ce qui existe est fait de petites particules interchangeables : les atomes. Ils sont la menue monnaie de l’univers. Ce sont les pièces d’un immense meccano que l’on peut combiner de diverses façons pour fabriquer tantôt une maison, tantôt un cheval. C’est ainsi que l’herbe peut se changer en chair de lapin et que les nutriments dans le sol et dans l’air peuvent devenir arbre.

Mais les atomes, dont Démocrite avait eu l’intuition, existent-ils vraiment ? Au XIXe siècle, on en doutait encore. Ce n’est qu’au début du XXe siècle, grâce particulièrement aux travaux de Jean Perrin, que la réalité des atomes a pu être prouvée. Ainsi donc l’atome est la réponse à notre question : de quoi sont faites votre table d’ordinateur et, plus généralement, toute la matière connue, des étoiles jusqu’aux pucerons.

En ce début du XXe siècle, l’atome est perçu comme la réalité ultime de la matière : il est insécable et on ne peut aller plus loin dans l’infiniment petit. Tout allait bientôt profondément changer. 

À force de scruter l’atome, on découvre qu’il comporte un noyau autour duquel pirouettent et gigotent d’infiniment petites choses : les électrons. Et on n’est pas au bout de nos surprises. Le noyau lui-même est composé de deux particules : des protons et des neutrons. Est-on enfin arrivé à l’ultime réalité des choses, aux plus petites particules imaginables ?

C’est ce que nous saurons dans le prochain épisode de notre palpitante et aventureuse descente au cœur de la matière.

 

 Jean MARCOUX   Hélas il n'y aura pas de prochaine fois car Jean Marcoux nous a quittés pour retourner à jamais dans les étoiles.

 

 Pour lire son précédent article, cliquer sur le lien ci-dessous :
 

Il était une fois la voie lactée

 

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