Né le 28 novembre 1881 à Vienne dans une famille de riches industriels israélites, le jeune Stefan préfère la lecture au jeu et fait preuve, dès son âge le plus tendre, d'une austérité naturelle et de peu de goût pour le grand monde et les plaisirs futiles. Elève moyen, il s'intéresse principalement à tout ce qui touche à l'art et à la philosophie. Il écrira à cette époque : "Le seul moment heureux que je doive à l'école, ce fut le jour où je laissai retomber pour toujours sa porte derrière moi." Très vite il s'enthousiasme pour la poésie et lit avec passion Rainer Maria Rilke, de six ans son aîné. Puis, ce sera la découverte de la vie de café où il peut discuter pendant des heures avec ses amis, jouer aux échecs, lire les journaux et les revues culturelles que les cafés répartissent sur des tables à la disposition de la clientèle. Lui-même a commencé à rédiger des poèmes qui seront publiés dans des revues comme Die Zukunfr ( l'Avenir ). Reçu au baccalauréat, il quitte l'appartement familial pour emménager dans une chambre d'étudiant où la vie qu'il se prépare à mener conviendra mieux à sa nature que la cage dorée où il se sentait prisonnier de tout un arsenal de principes, et s'inscrit à l'université de philosophie. Mais, plutôt que de suivre ponctuellement les cours, il préfère se consacrer à l'écriture et, dès 1901, a déjà écrit trois ou quatre cents poèmes dont il fera une sévère sélection pour n'en retenir qu'une soixantaine publiés sous le titre "Les cordes d'argent". Cette même année, il fait paraître également sa première nouvelle "Dans la neige" (Im Schnee ) qui conte l'histoire d'une communauté juive livrée aux brimades d'une horde de flagellants comme s'il voyait déjà se profiler les heures sombres du nazisme...
En 1902, Zweig rencontre à Paris Emile Verhaeren qui lui transmet le goût des "forces tumultueuses" et dont il deviendra le traducteur et le biographe. De même qu'il écrira une préface de quinze pages pour l'oeuvre de Verlaine aux éditions Schuester und Loeffler. A Berlin où il réside un moment, il fait la connaissance des poètes maudits, s'initie à la vie de bohème, se passionne pour les romans de Dostoïevski et la peinture de Munch. Rentré à Vienne, il soutient sa thèse sur Hippolyte Taine et est reçu docteur en philosophie au grand soulagement de ses parents. Désormais Zweig va consacrer sa vie aux voyages et à son travail d'écrivain, visitant Prague, la Sardaigne, Rome, la Corse, Ceylan, Calcutta, Rangoon, publiant des pièces de théâtre comme "Thersite" et "La maison au bord de la mer", jusqu'à ce que la guerre de 14/18 provoque chez lui un véritable traumatisme. Il comprend qu'elle amorce la fin d'un monde et des valeurs auxquelles il était attaché. C'est d'ailleurs à ce naufrage qu'il fera allusion dans la plupart de ses nouvelles et romans qui ne cessent plus de se succéder.
En 1922, il publie sa première biographie "Marie-Antoinette", une oeuvre remarquable et une analyse d'une finesse et d'une acuité rares sur les personnages de l'époque et les vicissitudes du pouvoir et s'installe à Londres en 1934, sentant peser sur les juifs les menaces du IIIe Reich. Ses ouvrages n'ont-ils pas été brûlés à Munich et dans d'autres villes allemandes, sombre présage. Bientôt, l'invasion de l'Autriche et son annexion par l'Allemagne hitlérienne le dissuadent d'y retourner et c'est en Angleterre qu'il publie successivement les biographies de Marie Stuart, d'Erasme, de Magellan, son "Castellion contre Calvin" et un roman "La pitié dangereuse", devenant citoyen britannique peu de temps après son installation. En secondes noces, il a épousé sa secrétaire Lotte Altmann qui ne le quittera plus.
En 1941, l'Angleterre étant entrée en guerre contre l'Allemagne, il la quitte, réside quelques mois à New-York et s'envole définitivement pour le Brésil dans l'espoir d'y trouver la tranquillité de l'esprit. Mais ce serait mal le connaître. Le désespoir n'a cessé de le ronger et, après avoir rédigé son autobiographie "Le monde d'hier", il quitte à jamais le monde présent qui a tout pour le désespérer. Le 22 février 1942, après avoir écrit à leurs proches et aux autorités locales de Petrópolis, au Brésil, où ils se sont exilés, Stefan Zweig et sa femme Lotte consomment assez de barbituriques pour ne plus se réveiller.
Le message d'adieu rédigé par Stefan est le suivant :
"Avant de quitter la vie de ma propre volonté et avec ma lucidité, j'éprouve le besoin de remplir un dernier devoir : adresser de profonds remerciements au Brésil, ce merveilleux pays qui m'a procuré, ainsi qu'à mon travail, un repos si amical et si hospitalier. De jour en jour, j'ai appris à l'aimer davantage et nulle part ailleurs je n'aurais préféré édifier une nouvelle existence, maintenant que le monde de mon langage a disparu pour moi et que ma patrie spirituelle, l'Europe, s'est détruite elle-même.
Mais à soixante ans passés il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble. Et les miennes sont épuisées par les longues années d'errance. Aussi, je pense qu'il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde.
Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l'aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux."
Stefan Zweig, Pétropolis, 22-2-42
Le lendemain, Stefan Zweig n'était plus. Sa femme l'avait suivi dans la mort.
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